" Le Barreau du Sénégal suit avec une attention particulière l'évolution préoccupante de la situation politique et institutionnelle qui prévaut dans notre pays suite aux décisions prises par les plus hautes institutions de la République notamment :
la décision du Conseil Constitutionnel sur la désignation des candidats à la présidentielle de 2024
la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire sur d’éventuels faits de corruption de membres du Conseil Constitutionnel
l’abrogation par le Président de la République du décret portant convocation du corps électoral
la décision de l’Assemblée Nationale de fixer la date des élections au 15 décembre 2024
En l’absence d’éléments factuels d’appréciation et d’analyse, le Barreau relève que les faits imputés, au même titre que les décisions prises, sont graves et porteurs d’incertitudes pour le Sénégal. Cette situation, quels qu’en puissent être les motivations et les sièges de responsabilités, met en péril la stabilité du pays, la paix sociale et le respect des institutions garantes de notre démocratie et de la République. Soucieux de la préservation des valeurs de l’Etat de droit et rigoureusement attaché aux principes de légalité, le Barreau du Sénégal proscrit toute atteinte à l’ordre constitutionnel qui viole les principes démocratiques et pourrait installer le pays dans un cycle de violence et d’insécurité majeures.
Le Barreau du Sénégal condamne vigoureusement toute violence dans l’espace social, déplore les dégâts matériels ainsi que les pertes en vies humaines et présente ses condoléances aux familles endeuillées. Tout en appelant à la retenue et à l’apaisement des populations, notamment des jeunes, il en appelle aux pouvoirs publics afin de traiter l’appel, il exige que les institutions, dans leur rôle respectif, instruisent des auteurs d’abus ou de forfaits des sanctions sévères et exemplaires. La liberté de candidature garantie par la Constitution ainsi que l’exigence du respect de l’ordre public ne doivent absolument pas justifier ou légitimer la violence.
comme mode d’expression ou de répression des revendications dans un Etat de droit. Lors de la rentrée des cours et tribunaux le 25 janvier 2024, le Barreau rappelait au Président de la République, aux acteurs de la justice et ceux politiques, l’exigence du respect du serment, de l’attitude républicaine et le courage d’assumer le poids du sacrifice individuel au service de la nation, pour qu’ils aient toujours à l’esprit que les hommes passent et que les institutions demeurent. Le constat intangible dans la situation que nous vivons actuellement est que le citoyen, le peuple, n’est qu’une variable d’ajustement pour les acteurs politiques qui rusent avec les principes du vivre en commun. Les intérêts du peuple sénégalais ne peuvent se mesurer à l’aune des objectifs et attentes politiques ou des défaillances dans l’application de la règle de droit. Le Barreau du Sénégal appelle au respect scrupuleux de la loi fondamentale et des droits qu’elle consacre au citoyen.
Il rappelle qu’il ne suffira pas d’ouvrir des concertations entre seuls acteurs de la classe politique ni de trouver des solutions ponctuelles à des questions structurelles profondes. Il s’agira surtout, pour préserver les fondements de l’Etat de droit, de remettre le citoyen et la République au centre des préoccupations afin de trouver autour de l’intérêt supérieur de la nation les raisons de taire les divergences partisanes et de rendre compatibles les ambitions proclamées pour le peuple sénégalais. Notre pays a une longue tradition de légalité et son peuple a toujours su se retrouver autour des valeurs et principes qui fondent, par-delà nos différences et nos adversités, notre commun vouloir de vie commune. Une nouvelle fois, le jeu et les enjeux politiques convoquent les organisations et les institutions républicaines de notre pays mais aussi et surtout le peuple profond, silencieux et majoritaire à démontrer leur capacité à appréhender cette crise et à en sortir le peuple sénégalais, indemne et uni. Pour restaurer la confiance nécessaire du citoyen dans nos lois, redorer les blasons ternis de nos institutions et surtout préserver la paix et la stabilité du Sénégal. Dakar, le 14 février 2024 Pour le Conseil de l’Ordre Le Secrétaire Général Maître Ibrahima NDIEGUENE "