Scandale Tapie, clap de fin !

Lu pour vous

30 juin 2016 | Par Laurent Mauduit

– Mediapart.fr

La Cour de cassation a rejeté jeudi l’ultime recours de Tapie, qui va devoir rembourser 440 millions d’euros à l’État. Cet arrêt clôt une procédure civile vieille de vingt-trois ans. Mais, au pénal, un grand procès risque d’avoir lieu en correctionnelle en 2017. Le renvoi de Christine Lagarde a été confirmé ce vendredi. Éric Woerth est lui aussi visé par une enquête.

C’est l’un des plus vieux feuilletons politico-judiciaires français qui est en passe de s’achever. Vingt-trois ans après la cession du groupe de sports Adidas par l’ex-Crédit lyonnais pour le compte de Bernard Tapie, la Cour de cassation vient de trancher définitivement l’interminable confrontation judiciaire : dans un arrêt rendu jeudi 30 juin, la Cour de cassation vient de juger définitivement que l’ex-banque publique n’a jamais lésé son client. Bernard Tapie n’a donc plus de nouveau recours possible. Et il va devoir rendre les 404 millions d’euros perçus indûment au terme d’un arbitrage frauduleux.

Comme Mediapart l’a révélé, les juges d’instruction ont par ailleurs achevé voilà quelques jours l’instruction ouverte en septembre 2012, dans le cadre de laquelle six personnalités, dont Bernard Tapie lui-même, ont été mises en examen pour « escroquerie en bande organisée » et « complicité de détournements de fonds publics », à la suite de la découverte des nombreuses irrégularités et fraudes ayant entaché l’arbitrage. Ce qui devrait ouvrir la voie à un procès devant un tribunal correctionnel dans le courant de l’année 2017.

Au civil comme au pénal, le scandale Adidas-Crédit lyonnais, qui a entaché la fin du second septennat de François Mitterrand et le quinquennat de Nicolas Sarkozy, est donc en passe de se clore. Et il va s’achever sur une défaite totale de Bernard Tapie. Cette bérézina judiciaire va immanquablement rejaillir aussi sur Nicolas Sarkozy qui, même s’il est protégé par le statut pénal que lui confère son statut d’ex-chef d’État, a joué un rôle majeur dans le recours à cet arbitrage.

Voici donc, en quelques points, l’état d’avancement des différentes procédures et les questions qu’elles soulèvent.

* Dans la procédure civile, Bernard Tapie peut-il user encore de nouveaux recours ?

La réponse est sans ambiguïté non. La longue bataille judiciaire entre Bernard Tapie et l’ex-Crédit lyonnais, puis après la faillite de la banque publique, avec le Consortium de réalisation (CDR), est définitivement close. Comme Mediapart (parfois bien seul) l’a souvent documenté, la justice a établi une bonne fois pour toutes que l’ex-banque publique n’avait jamais floué son client lorsqu’elle a vendu pour son compte le groupe de sports Adidas, en février 1993.

Pour comprendre l’imbroglio judiciaire que la Cour de cassation devait démêler, il faut se souvenir des décisions prises antérieurement par la cour d’appel de Paris. Par un premier arrêt rendu le 17 février 2015, cette cour d’appel avait d’abord estimé qu’elle était compétente pour déterminer s’il convenait ou non de réviser (en clair, d’annuler) le célèbre arbitrage ; et dans la foulée, elle l’avait donc annulé (lire Affaire Tapie : l’arbitrage frauduleux est annulé). Cette décision de justice prise, la cour d’appel a dû examiner de nouveau le différend qui est à l’origine de toute l’affaire, celui qui porte sur la vente d’Adidas. Et c’est ainsi que la cour d’appel a rendu un second arrêt, le 3 décembre 2015, estimant que l’ex-Crédit lyonnais n’avait jamais floué son client Bernard Tapie, et condamnant ce dernier à rendre les 404 millions d’euros indûment perçus, plus les intérêts (lireTapie ruiné, la Sarkozie en danger).

Les époux Tapie ont introduit un pourvoi, en faisant valoir que la cour d’appel n’était pas compétente en ce domaine, et demandaient la cassation de l’arrêt du 17 février 2015 – cassation qui aurait entraîné mécaniquement aussi celui du 3 décembre suivant.

En droit, quand un arbitrage est jugé frauduleux, deux procédures sont prévues pour réviser la sentence qui a été rendue. S’il s’agit d’un arbitrage international, portant sur une opération qui s’est dénouée dans plusieurs États, c’est un nouveau tribunal arbitral qui est seul compétent. En revanche, s’il s’agit d’un arbitrage interne, ne mettant en confrontation que des acteurs français, c’est la cour d’appel qui est habilitée à annuler l’arbitrage puis à rejuger l’affaire au fond. C’est cette question de droit très pointue qui a été longuement débattue par la Cour de cassation, dont la réponse a ruiné les derniers espoirs de Bernard Tapie.

Voici ci-dessous l’arrêt de la Cour de cassation :

Tapie: l’arrêt de la cour de cassation by Laurent MAUDUIT

Et voici ci-dessous un communiqué de la Cour de cassation qui résume les principales dispositions de cet arrêt :

Tapie: le communiqué de la cour de cassation by Laurent MAUDUIT

Le communiqué de la Cour de cassation explique la raison principale pour laquelle les recours de la famille Tapie ont été rejetés :

« L’internationalité de l’arbitrage fait appel à une définition économique selon laquelle il suffit que le litige soumis à l’arbitre porte sur une opération qui ne se dénoue pas économiquement dans un seul État. L’opération économique, qui avait déclenché directement ou indirectement l’ensemble des contentieux opposant les défendeurs au recours aux sociétés CDR, concernait les conditions d’exécution du mandat de vente des titres Adidas détenus par la société de droit allemand Bernard Tapie Gmbh, opération qui avait conduit à une vente d’actions impliquant des transferts de valeurs par-delà les frontières. Sans valider l’ensemble de la motivation de la cour d’appel, la Cour de cassation a néanmoins rejeté le moyen en s’attachant aux éléments suivants : c’est au moment de l’arbitrage que s’apprécie l’internationalité de celui-ci ; les sociétés de droit étranger qui avaient acquis les actions de la société Bernard Tapie Gmbh avaient été mises hors de cause par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 septembre 2005 ; les arbitres étaient tenus de respecter l’autorité de la chose jugée attachée aux décisions de justice précédemment rendues et devenues irrévocables ; il en résultait que la situation avait évolué et que la dimension internationale qui avait existé avait disparu : les litiges dont les arbitres étaient saisis ne portaient plus que sur des opérations qui se dénouaient économiquement en France, de sorte qu’elles ne mettaient plus en cause des intérêts du commerce international. »

Le stupéfiant comportement du parquet

* Bernard Tapie va-t-il donc devoir rendre les 404 millions d’euros indûment perçus ?

En réalité, l’État était en position de lui réclamer le magot, par tous les moyens de droit, dès l’arrêt de la cour d’appel du 17 février 2015 annulant l’arbitrage, et plus encore au lendemain de l’arrêt du 3 décembre condamnant Bernard Tapie à rendre le pactole.

Au lendemain de ce deuxième arrêt, je relevais toutefois dans une enquête coécrite avec mon confrère Yann Philippin, que l’État aurait sans doute des difficultés à récupérer l’intégralité des sommes dues (lire Tapie ruiné, la Sarkozie en danger). Voici les constats principaux que nous faisions dans cet article.

Nous relevions que Tapie ne dispose plus de la totalité de l’argent. La cour d’appel l’a en effet condamné à rembourser les 404 millions d’euros issus de l’arbitrage, les frais d’arbitrage (1 million), mais aussi les intérêts depuis le prononcé de la sentence en 2008, de l’ordre de 40 millions d’euros. Toute petite consolation, l’État va devoir lui rembourser les 11 millions d’impôts qu’il avait payés sur l’arbitrage. La facture finale pour Tapie devrait donc s’élever aux alentours de 440 millions d’euros, soit davantage que ce qu’il a perçu.

Selon les calculs de Mediapart, l’homme d’affaires avait déjà touché, en net, environ 260 millions d’euros. Il a aussi récupéré au passage la propriété de son hôtel particulier parisien de la rue des Saint-Pères, évalué entre 45 et 70 millions d’euros. Il disposait donc, fin 2008, d’une fortune totale estimée entre 305 et 330 millions d’euros. Insuffisante pour rembourser l’État.

D’autant plus que Tapie a beaucoup flambé, achetant maisons, appartements, yacht (finalement revendu pour racheter le journal La Provence), jet privé et autres. Or il a acquis la plupart de ces trophées bling-bling à crédit, ce qui a généré de gros frais financiers, sans compter les dépenses d’entretien. On ignore aussi combien il a flambé en dépenses courantes entre 2008 et 2013, période pendant laquelle les juges d’instruction en charge de l’enquête pénale sur l’arbitrage ont placé sous saisie judiciaire la grande majorité de ses avoirs et de ses comptes bancaires.

Grâce aux documents sur le patrimoine de Tapie versés au dossier judiciaire, auquel Mediapart a eu accès, nous avons pu réaliser une estimation de sa fortune. Une estimation forcément imparfaite, Tapie ayant réparti ses avoirs entre une multitude de comptes et sociétés offshore, disséminés entre la Belgique, Singapour, Hong Kong, le Luxembourg, la Grande-Bretagne et Monaco.

Selon nos informations, les juges ont saisi 72 millions d’euros de liquidités sur plusieurs comptes en banques et contrats d’assurance-vie. Il possède un plantureux patrimoine immobilier (hôtels particuliers à Paris et à Neuilly, domaine du Moulin de Breuil en Seine-et-Marne, villa Mandala à Saint-Tropez, plusieurs appartements), estimé entre 116 et 144 millions d’euros. Il y a aussi son jet privé Bombardier à 14 millions, qu’il a mis en vente. Et enfin ses actifs dans la presse, bien plus difficiles à estimer vu la médiocre santé économique de ce secteur. Il a en tout cas investi environ 40 millions dans La Provence. Et il a financé le projet de reprise des salariés de Nice Matin à hauteur de 8 millions d’euros, gagés sur des immeubles du journal.

Au bout du compte, selon notre estimation, la fortune actuelle de Tapie s’élèverait entre 245 et 280 millions d’euros, sans tenir compte de ses dettes éventuelles. Il va donc se retrouver dans le rouge, incapable de rembourser la totalité de ce qu’il doit à l’État.

L’État pourra en tout cas demander de récupérer les actifs placés sous séquestre par les juges d’instruction dans le cadre de la procédure pénale sur l’arbitrage. Il y en a pour 120 millions d’euros, constitués essentiellement de liquidités (72 millions) et de la villa de Saint-Tropez (un peu moins de 50 millions). « Les mesures de sauvegarde prises par les juges d’instruction sont faites pour empêcher que les biens s’en aillent. Mais les juges peuvent décider de lever la saisie si cela permet d’indemniser la victime », soulignait Me Martel. La tâche s’annonce plus délicate pour les avoirs situés à l’étranger, ou détenus via des sociétés étrangères.

Mais la question est encore plus embrouillée que cela, car l’État s’est tiré une balle dans le pied. À la veille de l’arrêt de la cour d’appel du 3 décembre 2015, une stupéfiante manigance s’est déroulée au tribunal de commerce de Paris. Pour se protéger d’éventuels huissiers dépêchés par le CDR pour lui réclamer son pactole, Bernard Tapie a ainsi demandé et obtenu le placement de ses deux principales sociétés sous procédure de sauvegarde. Dans un premier jugement, le Parquet ne s’est pas prononcé. Puis, dans un second jugement, le Parquet a appuyé la demande de Bernard Tapie. L’affaire ayant fait grand bruit, le Parquet a finalement changé de position et fait appel. Lequel vient d’être rejeté il y a quelques jours par la cour d’appel, car il est entaché d’une erreur de procédure (lire Tapie peut (encore) garder son magot).

Cette procédure de sauvegarde devrait donc se poursuivre au moins jusqu’à l’automne prochain. Grâce au Parquet, qui est censé défendre les intérêts de l’État, c’est-à-dire l’intérêt général, Bernard Tapie est donc à l’abri pour encore quelques mois des demandes de remboursement que pourrait lui adresser l’État !

Si le scandale Tapie touche à sa fin, le climat invraisemblable de coups fourrés et d’incohérences a régné jusqu’au bout sur la procédure.

* Quelles seront les suites pénales du scandale ?

Nous l’avons longuement détaillé dans un article récent (lire Tapie : les juges d’instruction ont achevé leur instruction). Nous y expliquions que les trois juges en charge du dossier venaient de notifier au Parquet, ainsi qu’aux différents protagonistes du scandale, qu’ils avaient achevé leur instruction. Cette notification ouvre donc la voie à un probable procès devant un tribunal correctionnel, sans doute dans le courant de l’année 2017.

Dans ce volet pénal, six personnalités ont d’abord été mises en examen au printemps 2014 pour « escroquerie en bande organisée » et « complicité de détournement de fonds publics » : Bernard Tapie ; son avocat, MeMaurice Lantourne ; l’un des trois arbitres, Pierre Estoup ; l’ex-directeur de cabinet de la ministre des finances et actuel patron du groupe Orange, Stéphane Richard ; l’ex-président de la structure publique de défaisance dénommée Consortium de réalisation (CDR), Jean-François Rocchi ; et l’ex-président de l’Établissement public de financement de restructuration (EPFR – l’actionnaire du CDR), Bernard Scemama. Ultérieurement, en septembre 2015, l’ancien secrétaire général de l’Élysée Claude Guéant a aussi été mis en examen « du chef de complicité [par instructions] de détournement de fonds publics commis par un particulier ».

Par ailleurs, plusieurs autres protagonistes de l’affaire ont été placés sous le statut de témoin assisté. C’est le cas des deux autres arbitres, l’ancien président du Conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, et l’avocat et académicien Jean-Denis Bredin, tout comme de l’avocat du CDR, Me Gilles August.

Cette notification ouvre donc un délai de trois mois pendant lequel les protagonistes peuvent demander des actes complémentaires. Le procureur de la République fera ensuite connaître ses réquisitions. Passé ce délai, c’est-à-dire d’ici fin septembre ou début octobre, les juges d’instruction pourront alors prendre leur ordonnance de renvoi. On saura alors qui ils décident de renvoyer devant un tribunal correctionnel et sous quelles incriminations. Ce qui ouvre donc la voie effectivement à un procès en correctionnelle dans le courant de l’année 2017, sans que l’on puisse dès à présent savoir si ce rendez-vous judiciaire à grand spectacle pourrait se tenir avant ou après l’élection présidentielle.

Il semble désormais très probable que les six premiers mis en examen pour escroquerie en bande organisée et complicité de détournement de fonds publics, dont naturellement Bernard Tapie lui-même, fassent partie du lot. On ignore, en revanche, quel sera le sort judiciaire des personnalités placées sous le statut de témoin assisté.

Mais la principale inconnue concerne Claude Guéant. Sera-t-il lui aussi renvoyé devant le même tribunal correctionnel ? Cela semble probable. Il s’agit d’une question d’une très grande importance. Car au vu des avancées de l’enquête, on a longtemps pu penser que la justice ne s’intéressait qu’à assembler les indices d’une fraude à l’arbitrage, cherchant avec moins d’empressement à cerner les implications des éventuels commanditaires de l’arbitrage frauduleux.

Il serait naturellement logique que ceux qui ont exécuté des fraudes dans le but que Bernard Tapie obtienne indûment ses 404 millions d’euros aient à s’expliquer devant un tribunal correctionnel. Mais il serait tout aussi logique que ceux qui ont éventuellement organisé cet arbitrage frauduleux, ou donné des instructions pour avantager Bernard Tapie, aient aussi à rendre des comptes. En clair, il importe que la justice sanctionne les comparses de la fraude, mais plus encore ses commanditaires.

Longtemps, on a donc pu penser que les magistrats auraient sans doute du mal à remonter la chaîne des responsabilités, pour atteindre jusqu’au sommet de l’État. C’est en cela que l’éventuel renvoi de Claude Guéant donnerait au procès un retentissement très important : car cela suggérerait que les instructions, comme de nombreux indices en attestent, sont bel et bien venues du plus haut sommet de l’État, de l’entourage direct de Nicolas Sarkozy. Sinon du chef de l’État lui-même.

C’est d’ailleurs sur ce point précis qu’ont porté les ultimes actes de procédure des trois juges d’instruction. Comme Mediapart l’a révélé (lire Affaire Tapie : Sarkozy snobe les juges), les magistrats ont convoqué Nicolas Sarkozy le 13 avril dernier pour l’entendre comme témoin. Ils voulaient l’interroger sur le soutien que l’ex-homme d’affaires lui a apporté pendant la campagne de 2007 et « l’existence d’éventuelles contreparties ». L’ex-chef de l’État a refusé de se présenter, en arguant du statut d’irresponsabilité pénale que ses fonctions lui conféraient.

À l’époque, les magistrats ont fait valoir à bon droit que Nicolas Sarkozy n’était protégé par ce statut que pour la période pendant laquelle il était le chef de l’État, mais pas pour les mois antérieurs. Or c’est précisément durant le semestre précédant l’élection présidentielle de 2007 que des préparatifs secrets ont eu lieu en vue de l’arbitrage. Les magistrats auraient donc pu très bien user des moyens de contraintes que la loi leur offre pour entendre, même contre son gré, Nicolas Sarkozy. Ce qu’ils ne se sont pas résolus à faire.

L’éventuel renvoi en correctionnelle du principal collaborateur de Nicolas Sarkozy aurait au moins pour avantage que la question majeure qui est au cœur de tout ce scandale ne soit pas esquivée lors du procès : qui, dans les sommets de l’État, a donné les instructions essentielles ? L’organisation de cet arbitrage résulte-t-elle bien d’un arrangement entre Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie ? Et si tel est le cas, pour quelles « contreparties ». Nicolas Sarkozy aurait-il pris le risque d’avantager de la sorte son ami ?

Si le scandale Tapie va donc vers son épilogue civil, il reste encore le volet pénal, en bonne voie…

Le cadeau de 58 millions d’euros fait par Woerth à Tapie

* Éric Woerth risque-t-il, lui aussi, d’être rattrapé par le scandale Tapie ?

C’est maintenant très vraisemblablepuisque l’enquête judiciaire sur l’arbitrage Adidas a révélé que l’ancien ministre du budget avait accordé un gigantesque cadeau fiscal à Bernard Tapie. Mediapart, qui a eu accès au dossier judiciaire ainsi qu’à une audition de l’ancien ministre du budget, a récemment raconté les coulisses de ce scandale d’État, au fil duquel plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont cherché à tordre le bras de l’administration des impôts.

Dans l’enquête que j’ai menée avec mon confrère Yann Philippin sur cet autre volet du scandale Tapie, nous sommes parvenus à chiffrer très précisément le cadeau fiscal obtenu par Bernard Tapie : il avoisine les 58 millions d’euros (lire Affaire Tapie: enquête sur un hold-up fiscal et Woerth visé par une enquête sur son méga cadeau fiscal à Tapie). Plusieurs hauts fonctionnaires risquent aussi d’être rattrapés par ce volet fiscal du scandale Tapie : l’ex-chef de la cellule fiscale, Thierry Métais, passé dans l’intervalle dans le privé, et l’ex-directeur de cabinet d’Éric Woerth, Jean-Luc Tavernier, qui depuis est devenu directeur général de l’Insee.

Si l’enquête judiciaire prospérait, la Cour de justice de la République pourrait un jour en être saisie, puisque Éric Woerth était ministre à l’époque des faits.

* Quand Christine Lagarde sera-t-elle renvoyée devant la Cour de justice de la République ?

C’est la dernière inconnue judiciaire de l’affaire. La Cour de cassation examine en effet ce vendredi 1er juillet un recours de l’ex-ministre des finances et actuelle patronne du Fonds monétaire international contre son renvoi devant la Cour de justice de la République (CJR) pour « négligence » en relation avec ce possible détournement de fonds publics. On saura donc ce vendredi le sort judiciaire de l’ex-ministre des finances. Il est toutefois assez probable que son renvoi soit confirmé. [mise à jour: elle l’a été ce vendredi]

Si tel est le cas, cet autre volet judiciaire risque de faire grand bruit. À cause des responsabilités planétaires de l’intéressée. Mais aussi à cause de la gravité des charges qui pèsent contre elle – et dont l’incrimination de« négligence » ne permet pas de prendre la mesure.

Pour mémoire, voici l’ordonnance de renvoi devant la CJR que Mediapart avait révélé (lire Tapie : la justice reproche à Christine Lagarde son « incurie »), et qu’aucun média, pas mêmes les agences de presse, n’a repris :

L’ordonnance de renvoi de Christine Lagarde by Laurent MAUDUIT

Dans cette ordonnance, les magistrats utilisaient des termes très sévères pour évoquer le rôle de Christine Lagarde dans ce scandale. La commission d’instruction de la CJR taillait en pièces les explications de la patronne du FMI dans l’affaire Tapie, qu’elle jugeait « affligeantes »« Le comportement de Mme Lagarde ne procède pas seulement d’une incurie mais aussi d’une conjonction de fautes qui, par leur nature, leur nombre et leur gravité, dépassent le niveau d’une simple négligence », estimaient les magistrats.

Il peut donc y avoir encore quelques embrouilles, comme l’affaire Tapie en a connu de si nombreuses. Juridiction d’exception indigne d’une véritable démocratie, la CJR peut aussi réserver des surprises. Nicolas Sarkozy, qui a sans doute joué un rôle majeur dans l’histoire, risque aussi de passer entre les mailles du filet judiciaire. Il n’empêche ! Si longtemps entravée, la justice est en train de faire son office…

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Boite Noire

URL source: https://www.mediapart.fr/journal/france/300616/scandale-tapie-clap-de-fin