Date : 11 janvier 2018
Lieu : Cour Suprême
Thème : Le contrôle juridictionnel de l’Administration
« Il suffit d’ajouter « militaire » à un mot pour lui faire perdre sa signification. Ainsi, la justice militaire n’est pas la justice, la musique militaire n’est pas la musique ». Ainsi parlait Georges Clémenceau.
La justice administrative est-elle une justice ?
Rien n’est moins évident eu égard à la particularité du justiciable concerné.
Monsieur le Président de la République, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature,
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Haut Conseil des Collectivités Territoriales
Madame la Présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental,
Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Vice-Président du Conseil Supérieur de la Magistrature
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Honorables Députés
Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel
Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême
Monsieur le Procureur Général près la Cour Suprême
Monsieur le Premier Président de la Cour des Comptes
Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs et Chefs de Missions Diplomatiques
Monsieur le Médiateur de la République
Mesdames, Messieurs les Magistrats
Messieurs les anciens Bâtonniers, Mesdames Messieurs les Avocats, Chers Confrères
Messieurs les Officiers Généraux
Messieurs les Recteurs Doyens et Professeurs des Universités,
Messieurs les Dignitaires Religieux et Coutumiers,
Mesdames, Messieurs les Administrateurs des Greffes et Greffiers
Mesdames, Messieurs les Officiers Ministériels et Auxiliaires de Justice,
Honorables invités, Mesdames, Messieurs,
Qu’il me soit permis, à l’entame de mes propos, de vous présenter à vous Monsieur le Président de la République et à l’ensemble du peuple sénégalais, les condoléances du Barreau du Sénégal à l’occasion du rappel à Dieu du Vénéré Serigne Sidy Mokhtar MBACKE.
Nous avons également une pensée pieuse à l’endroit de tous les membres de la famille judiciaire qui nous ont quittés durant l’année 2017.
Nous nous souvenons encore de nos confrères Oumar DIOP, Sadio DIAW, éminent membre de la Gendarmerie nationale qui avait rejoint le Barreau, Serigne Momar NDIAYE et Ndiaga FALL.
En ce début d’année 2018, le Magistrat Chimère Malick DIOUF nous a quittés. Intrépide et éloquent parquetier, sa compétence forçait le respect voire l’admiration.
Puissent-ils tous reposer en paix et bénéficier de la clémence et de la miséricorde du Tout Puissant.
Monsieur le Président de la République
L’année dernière, dans cette salle, à l’occasion de la rentrée solennelle des cours et tribunaux 2017, vous aviez déclaré que des actions concrètes allaient être menées dans le sens de la construction de l’Ecole du Barreau.
L’Ordre des avocats a, au courant de l’année 2017, reçu notification de l’attribution du terrain sur lequel, cette école doit être édifiée à Diamniadio.
De même, un premier acompte de 300 000 000 Francs sur la participation financière de l’Etat est disponible au niveau du trésor public, ainsi que le Ministre de l’économie et des finances m’en a informé par écrit.
Il s’agit à présent de lancer les travaux de construction de l’école et le Barreau souhaite que ce soit vous, le réalisateur de cet important projet, conçu par notre profession qui y procédiez. Nous attendons que vous nous indiquiez la date qui pourrait vous convenir en fonction de votre calendrier que nous savons chargé.
Monsieur le Président de la République,
L’année dernière, dans cette même salle, vous aviez promis, sur la question de la présence des avocats à la police et à la gendarmerie, de donner les instructions nécessaires afin que cette mesure devienne une réalité.
Courant 2017, sous l’impulsion du Garde des Sceaux, Ministre de la justice, un atelier s’est tenu entre les acteurs pour s’accorder sur l’interprétation du texte. La circulaire qui devait résulter de cet atelier a été prise par le Ministre et a fait l’objet d’une rencontre de présentation et de vulgarisation après partage avec les Procureurs généraux.
Les réticences et autres méfiances sont d’ailleurs dans les faits, entrain d’être vaincues et la pratique s’installe progressivement dans la procédure pénale.
Il va sans dire qu’en tant que sénégalais et patriotes, les avocats intègrent vos préoccupations de sécurité publique liée en particulier à la question du terrorisme. C’est l’occasion de féliciter et remercier tous les acteurs qui ont travaillé ensemble pour aboutir au consensus auquel nous sommes parvenus, à savoir avocats, magistrats, officiers de police et de gendarmerie.
Les instructions que vous avez données permettent de placer aujourd’hui notre pays dans le lot de ceux qui respectent les mieux les droits humains, plus précisément les droits de la défense.
Monsieur le Président de la République
L’information m’a été donnée par Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice que le montant inscrit au budget de cette année au titre de l’assistance judiciaire est de 617 000 000, soit une augmentation sensible de l’enveloppe que vous aviez dans un premier temps fait passer de 350 à 500 000 000FCFA.
Nous entendons nous appuyer sur cet instrument pour recruter davantage d’avocats, car nous sommes conscients que la mesure de présence des avocats à la police et à la gendarmerie pourrait souffrir du nombre d’avocats et de leur inégale répartition sur le territoire national.
Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice peut vous confirmer que nous travaillons ensemble dans ce sens.
En attendant, m’appuyant sur l’article 34 dernier alinéa de la loi 2009-25 du 8 juillet 2009, j’ai demandé à ce que l’examen du Barreau, qui devait être organisé en 2019 se tienne dès cette année pour faire entrer de jeunes diplômés des facultés de droit dans la profession.
Le Barreau du Sénégal qui constate avec satisfaction que vos promesses ne restent jamais lettre morte vous exprime par ma voix, toute sa reconnaissance.
Vous m’autoriserez à ce stade à adresser mes vives félicitations au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, pour avoir bénéficié de votre confiance. Il mérite cette confiance, car il est un homme de valeur.
Il sait pouvoir compter sur le Bâtonnier, le Conseil de l’Ordre et l’ensemble du Barreau pour mener à bien les projets de son département. Sa démarche rassure déjà tant il fait de la concertation et du partage, des crédos qui sont essentiels surtout dans ce milieu de la justice où les acteurs sont pour l’essentiel jaloux de leur indépendance.
Mes remerciements vont aussi à Monsieur le Premier Président de la Cour suprême et au Procureur Général près ladite Cour.
Avec vous, nous sommes parvenus à donner de nouvelles orientations à la relation entre Magistrats et avocats faites d’une meilleure collaboration, voire de complémentarité.
Cela tient surtout à votre professionnalisme et à vos qualités humaines faites d’écoute, d’ouverture, de courtoisie, de sens de la mesure, ce qui qui n’exclut pas une fermeté lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts supérieurs de l’institution judiciaire.
Monsieur le Président de la République
Vous avez décidé que la présente rentrée solennelle aborde un thème actuel d’une importance capitale pour le citoyen mais aussi pour l’administration elle-même « Le Contrôle juridictionnel de l’administration ».
Ce thème a été traité de manière pertinente et complète par le brillant Magistrat Sangoné FALL dans ces aspects liés au recours pour excès de pouvoir et au plein contentieux. Nous ne reviendrons pas sur les développements qu’il a faits au risque de nous répéter.
Nous aborderons surtout le thème du Contrôle juridictionnel de l’Administration, dans ses aspects liés au contrôle financier dévolu, surtout à la Cour des comptes.
Le Sénégal a affirmé « son attachement à la transparence dans la conduite et la gestion des affaires publiques ainsi qu’au principe de bonne gouvernance. »
La bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques impliquent un contrôle efficace exercé par une institution indépendante.
Le champ de compétence de la Cour des comptes est défini par la constitution et par la loi organique N°2012-23 du 27 décembre 2012 sur la Cour des comptes.
Il s’agit du contrôle juridictionnel des comptes de comptables publiques, du contrôle de l’exécution des lois de finance, du contrôle du secteur parapublic et de la sanction des fautes de gestion.
Contrairement au contrôle juridictionnel de l’administration dans ses rapports avec les administrés, pour ne pas dire les citoyens, celui de la cour des comptes matérialise une autre forme de la soumission volontaire de l’Etat à son propre droit.
En effet, contrôler l’exécution de la loi de finance, terme consacré aujourd’hui en lieu et place du mot « budget de l’Etat », c’est précisément contrôler la mise en œuvre par le Président de la République de ses engagements envers la nation, autrement dit, de la politique générale.
La cour des comptes juridiction indépendante qui a pour mission de s’assurer du bon emploi de l’argent public et d’en informer les citoyens se situe à équidistance du parlement et du gouvernement qu’elle assiste l’un et l’autre.
Les contrôles dévolus à la Cour des Comptes visent à promouvoir l’obligation de rendre compte et de déceler toute irrégularité par rapport aux normes juridiques et de gestion en vigueur afin de prendre les correctifs nécessaires et d’engager la responsabilité de leurs auteurs, d’obtenir réparation et d’éviter la réitération à l’avenir.
La Cour dispose d’attributions générales de contrôle de la gestion de tout comptable, de vérification des comptes et de contrôle de la gestion des entreprises du secteur para public.
Elle est en outre, juge des comptes des comptables publics principaux et de la discipline financière.
En effet, d’une part, tout comptable public, toute personne déclarée comptable de fait, doit rendre compte de sa gestion devant la Cour des comptes qui vérifie et contrôle également les comptes et la gestion des entreprises du secteur para public.
De la même façon elle peut vérifier les comptes et la gestion de tout organisme dans lequel l’Etat ou les organismes soumis au contrôle de la Cour détiennent directement ou indirectement, séparément ou ensemble, une participation au capital social permettant d’exercer un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion.
Lorsque l’importance économique ou l’intérêt stratégique de l’activité, ou le montant de la participation le justifie, la Cour peut sur saisine du Président de la République, effectuer un contrôle sur les sociétés anonymes à participation publique minoritaire.
La Cour contrôle les institutions de sécurité sociale, y compris les organismes de droit privé qui assurent en tout ou en partie la gestion d’un régime de prévoyance ou de retraite légalement obligatoire.
Elle s’assure par ailleurs que les administrations centrales, les services déconcentrés de l’Etat, les sociétés nationales, les établissements publics et les collectivités locales sont en règle avec les contributions et cotisations dont ils sont redevables envers ces organismes.
La Cour peut aussi exercer un contrôle du compte d’emploi des ressources collectées auprès du public par tout organisme, public ou privé, faisant appel à la générosité publique. Ce contrôle a pour but de vérifier la conformité des dépenses engagées par ces organismes aux objectifs annoncés par l’appel à cette générosité publique. S’il y a lieu, il peut s’étendre aux bénéficiaires des ressources collectées dans le cadre de ces campagnes.
La cour a la faculté d’exercer un contrôle de la gestion de tout organisme bénéficiant, sous quelque forme que ce soit, du concours financier ou de l’aide économique :
– de l’Etat
– des organismes soumis à son contrôle
– de l’Union Economique et Monétaire Ouest africaine
Enfin, sans préjudice des dispositions du dernier alinéa de l’article 30 de la Loi Organique, la Cour évalue les politiques et programmes publics. Elle peut, vérifier la mise en œuvre des dispositifs d’évaluation des projets et programmes soumis à son contrôle et en apprécier les résultats.
D’autre part, les comptes des comptables principaux sont jugés par la Cour des Comptes.
Dans les six mois qui suivent la fin de l’année financière, les comptables publics principaux sont tenus de présenter à la Cour leurs comptes de gestion accompagnés de toutes les pièces justificatives de recettes et de dépenses ainsi que les pièces générales prévues par la règlementation par l’intermédiaire de leur supérieure hiérarchique qui s’assure que les comptes sont en état d’examen.
Pour les établissements publics pourvus d’un comptable justiciable de la Cour, les états financiers accompagnés des pièces justificatives relatives aux opérations de chaque exercice sont transmis à la Cour des comptes six mois au plus tard après la fin de l’exercice.
Tout comptable public principal qui ne présente pas ces comptes dans le délai prescrit, peut être condamné par la Chambre compétente à une amende dont le montant est fixé par décret.
Dès que l’affaire est complétement instruite, la Chambre rend un arrêt définitif.
Si le compte est reconnu régulier, la Chambre rend un arrêt de décharge à l’égard du comptable demeuré en fonction.
A l’égard du comptable sorti de fonction, elle rend un arrêt de quitus qui donne mainlevée de toutes les sûretés et garanties grevant les biens personnels du comptable au profit du trésor public.
Si le compte est irrégulier par défaut, c’est-à-dire si les écritures du comptable ne font pas état de tous les deniers qu’il a reçus ou aurait dû recevoir, ou s’il a payé à tort certaines dépenses, l’arrêt le déclare en débet.
Au vu de l’arrêt de débet, le ministère chargé des finances met en jeu la responsabilité du comptable et le cas échéant les garanties correspondantes.
La Cour juge les comptes en premier et dernier ressort ; et ces arrêts peuvent donc être déférés en cassation devant la Cour Suprême.
Les arrêts peuvent faire l’objet d’une révision en cas de découverte de nouvelles pièces justificatives.
La Cour des comptes exerce une fonction juridictionnelle disciplinaire par l’intermédiaire de la Chambre de discipline financière devant laquelle sont déférés des présumés auteurs des faits prévus par la loi, tant en matière de dépenses qu’en matière de recettes.
Le contrôle juridictionnel de la gestion financière de l’Administration par la cour des comptes est complété par Le contrôle juridictionnel de l’assiette et du recouvrement des impôts sur saisine du contribuable
La saisine du Ministre de l’Economie et des Finances d’un recours hiérarchique est dans ce type de contrôle possible avant toute contestation devant le juge.
La décision explicite ou implicite de rejet du Ministre autorise le contribuable à saisir dans les deux mois le Tribunal de Grande Instance pour contester :
– les impôts, droits, taxes, redevances, intérêts, amendes et pénalités qui lui sont réclamés ;
– le rejet de sa demande de dégrèvement ou de remboursement ;
– le rejet de toute autre demande tendant à la délivrance d’un acte pour la reconnaissance d’un droit.
La même procédure est prévue en matière de contribution directe et de taxes assimilées dont l’assiette est confiée à la direction chargée des impôts et Domaines, sauf que le délai de recevabilité de l’action est porté à trois mois au lieu de deux.
En matière de taxes sur le chiffre d’affaires et de taxes indirectes dont l’assiette est confiée à la direction chargée des Impôts et Domaines, le Tribunal de Grande Instance est saisie :
– par une requête de l’Administration compétente, ou par une requête du redevable en cas d’action en restitution déposée dans le délai sus indiqué ;
– par une opposition à titre de perception notifiée à l’Administration poursuivante et déposée au Greffe du Tribunal de Grande Instance dans les trois mois de la réception dudit titre.
La requête ou l’opposition doit être accompagnée d’une assignation à comparaître donnée au Directeur Général des Impôts et Domaines dans le délai de trois mois suivant la réception de la notification du titre de perception ou de la décision de refus de restitution.
L’assignation n’est pas suspensive de l’exécution du titre de perception.
Elle est toutefois suspensive de la vente forcée des biens saisis pour le recouvrement de la partie contestée de l’imposition.
L’assujetti peut solliciter du juge le sursis au recouvrement des droits et pénalités mis à sa charge, en constituant dès la première audience des garanties qui doivent obligatoirement couvrir l’intégralité de la créance fiscale.
Dans la pratique, il a été noté que l’Administration Fiscale fait recours de plus en plus à des saisies par avis à tiers détenteur.
D’ailleurs, elle a tendance à en faire le mode de recouvrement général, en se fondant sur une interprétation pour le moins erronée de ce mode de recouvrement, notamment de la loi n° 2015-06.
Or, la justice a, par une jurisprudence constante rappelé qu’aux termes de l’article 662 du Code Général des Impôts, l’avis à tiers détenteur ne peut être émis que pour le recouvrement de deniers affectés au privilège du trésor.
Le privilège général est défini par l’article 179 de l’acte uniforme de l’OHADA, portant organisation des suretés.
L’article 181 dudit Acte uniforme précise que les privilèges du Trésor Public ne peuvent être recouvrés par voie d’avis à tiers détenteur que si l’Administration fiscale procède à l’inscription de ces privilèges au RCCM pour la totalité de la créance. A défaut, lesdits montants ne peuvent être recouvrés qu’à concurrence de la somme de 500.000 FCFA comme cela résulte de l’article 663 du CGI.
Cette pratique manifestement contraire à la loi devrait donc être bannie de la démarche de l’administration fiscale.
Le contrôle juridictionnel de l’administration par le juge présente des limites ainsi que l’a souligné le Conseiller Sangoné FALL, qui a mis l’accent sur le délai de procédures, les formalités excessives et l’absence de moyens de contrainte ou d’injonction.
La justice administrative est-elle une justice lorsque l’exécution de la décision rendue ne dépend en définitive que de la volonté de la partie qui en est débitrice.
Sans tomber dans l’excès de répondre par un non catégorique, force est de relever pour le déplorer, une certaine impuissance de la justice face à l’administration.
Cette impuissance est telle qu’une autorité administrative et politique a pu déclarer publiquement et sans conséquence qu’elle n’exécuterait pas une décision de justice et recevoir en retour des félicitations et encouragements appuyés.
L’administration aurait dû, après cette attitude regrettable, expliquer pourquoi les autorités et agents qui avaient mis, ou fait mettre des personnes inaptes dans une liste de personnes aptes et méritantes n’ont point été sanctionnées, alors que les fautes et délits étaient avérés.
Méfions-nous de cette perception d’une justice inéquitable, causée par l’action de l’administration y compris l’administration de la justice.
Si la finalité de la mission de l’Administration y compris de l’administration de la justice est de poursuivre l’intérêt général et de garantir les droits et libertés des citoyens alors il est temps que des réformes soient apportées afin qu’il ne soit plus possible au Sénégal d’aller facilement en prison.
La liberté est tellement sacrée et précieuse que la décision qui en prive un citoyen doit provenir d’une autorité neutre qui doit se déterminer après avoir entendu le poursuivant et la personne poursuivie.
L’ère du procureur tout puissant dont l’évocation du seul nom fait peur et qui peut placer qui il veut sous mandat de dépôt, sans avoir à en répondre devant quiconque, même si la personne concernée est ensuite relaxée, doit être révolue.
Rien ne peut être placé au-dessus des droits et de la liberté. On peut soutenir le contraire tant qu’on n’a pas été placé dans une situation de privation de liberté. L’heure d’instaurer un juge des libertés et de la détention a sonné.
Monsieur le Président de la République.
Ce n’est que sur vous, garant des droits et de la liberté de vos concitoyens qui ont placé leur confiance en vous que nous comptons pour continuer à apporter, les réformes pertinentes au niveau de la justice.
Ces réformes doivent aussi concerner la manière facile avec laquelle les décisions des juges sont bloquées en matière de liberté.
Pourquoi trois magistrats du siège, donc neutres et équidistants des parties, qui ont au préalable entendu les moyens du poursuivant et de la personne poursuivie, doivent-ils voir les effets de leur décision être anéantis par un simple appel ou une simple déclaration de pourvoi en cassation de l’une de ces parties.
L’indépendance du juge ne peut pas être considérée au niveau institutionnel seulement. Elle concerne tous les textes qui doivent être révisés, dans le but de respecter d’avantage le pouvoir d’appréciation du Magistrat.
Je trouve d’ailleurs particulièrement préoccupant, dans le contexte actuel , que tout en ayant la possibilité de ne donner aucune suite à une décision de justice, l’administration puisse , par l’intermédiaire du parquet, lier les mains du juge au point de l’amener à n’aller que dans le sens qu’elle souhaite lorsqu’une personne est accusée de délits contre la chose publique, de détournement de deniers publics ou de délits douaniers par exemple.
La présomption d’innocence ne peut pas avoir une signification lorsque la détention préventive s’apparente quasiment à une sanction avant l’heure.
En définitive, je pense que notre procédure pénale doit-être revisitée ou tout au moins que les propositions de réformes qui avaient été formulées par la commission qui avaient travaillé dans ce sens sortent enfin des tiroirs dans le but de favoriser une meilleure indépendance de la justice, dont l’un des éléments essentiels est le respect du pouvoir d’appréciation du juge.
Monsieur le Président de la République,
Voilà des propositions de réformes qui pourraient être explorées utilement en matière pénale tandis qu’en matière civile et commerciale, si nous n’avons pas d’opposition de principe sur l’instauration d’un tribunal de commerce, le texte de loi qui a été pris mérite une réflexion plus approfondie, dans le sens de préserver les petites et moyennes entreprises et de mieux encadrer l’intervention de juges non professionnels dans la procédure.
Il s’agit d’améliorer l’institution judiciaire et non de considérer avec certains donneurs de leçons qu’elle est à genou ou à terre.
La justice que nous ont léguée nos illustres et vaillants prédécesseurs dont beaucoup nous ont quittés (Paix à leur âme) mais dont certains sont dans cette salle et même à côté de moi, reste debout et elle est animée par des hommes et des femmes de valeur qui, pour l’écrasante majorité font correctement leur travail dans le silence de leur bureau et de leur conscience.
Elle n’est pas à terre attendant que je ne sais quel sauveur veuille bien la remettre sur ses pieds.
Elle bénéficie toujours de la confiance de nos concitoyens et au Sénégal, le mot de François René de Chateaubriand revèle tout son sens au regard de la constante judiciarisation des litiges « la justice est le pain du peuple, il est toujours affamé d’elle ».
Elle ne trouve son efficacité que dans la discrétion, la réserve et la retenue et non dans des interventions intempestives dans les médias ou la commande d’articles de presse dans le but de se mettre en valeur.
C’est ici, le lieu de préciser que le Barreau du Sénégal ne réclame pas une entrée dans le Conseil supérieur de la magistrature. Il fait entièrement confiance aux personnalités qui y siègent, y compris au Président de la République et au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.
Par contre, comme il était d’usage du reste, l’avis du Barreau pourrait être demandé sur les nominations aux postes importants de la justice.
Monsieur le Président de la République,
Permettez-moi avant de finir, de livrer cette magnifique réflexion de Franklin Delanoë Roosevelt : « Gouverner, c’est maintenir les balances de la justice égales pour tous ».
Dépositaire de la confiance de votre peuple, garant du bon fonctionnement des institutions de la République, Puisse Dieu vous donner les moyens et la force de procurer à chaque sénégalais sa part de justice.
Et ce ne serait que justice.
Je vous remercie pour votre aimable attention.