Dés après sa nomination, le nouveau Ministre du Tourisme et des Transports Aériens a procédé, comme il est maintenant de coutume, à une visite des services placés sous son autorité. Dans ce cadre, il a rendu visite à l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar – ASECNA – de l’Avenue Jean-Jaurès où le Directeur Général n’a pas manqué de l’informer de la dette du Sénégal à l’endroit de l’Agence.
Cette déclaration du DG de l’Asecna est à la fois surprenante et fort regrettable dans la mesure où on n’a pas l’habitude d’étaler sur la place publique, les dettes des Etats vis-vis d’un organisme communautaire.
Il s’y ajoute que cette déclaration du D.G de l’Agence est inexacte car les dettes des Compagnies aériennes ne sauraient être comptabilisées comme « dettes de l’Etat », surtout s’il s’agit de compagnies privées comme Sénégal Airlines.
Le DG de l’Asecna, qui semblait bien inspiré le jour de la visite, a également déclaré à notre ministre qu’il « déplorait le fait que certains Etats essaient de se mesurer les uns aux autres ». Tout un programme !
Et c’est donc au moment où on s’interrogeait sur la portée des propos du DG de l’Asecna que nous apprenons le partage de l’actionnariat du futur aéroport de Diass entre Fraport, AIBD-sa et un fonds souverain d’investissement, le Fonsis.
Ce partage, intervenu « au milieu du gué », est fort surprenant dans la mesure où c’est l’Etat-propriétaire, qui a toujours financé et qui s’est engagé auprès des partenaires financiers, qui décide de céder une partie du Domaine public aéroportuaire.
On le voit, les agressions contre le secteur aéronautique de notre pays sont nombreuses et les réactions timides.
Elles proviennent tout d’abord de l’Asecna avec la nouvelle Convention dite de Libreville qui a été adoptée au moment où le Sénégal envisageait sérieusement de sortir de l’Agence. Cette Convention porte toutes les tares d’un esprit revanchard qui semble animer ses auteurs. Manifestement, on ne nous a pas encore pardonné d’avoir voulu quitter cet organisme.
Elles se caractérisent également par des mesures administratives prises au début de l’année 2012 avec la suppression de l’Anacs et de l’Anams de même que la tentative avortée de dissoudre les ADS.
C’est pourquoi, il est nécessaire d’examiner dans le détail la nouvelle Convention dite de Libreville qui porte atteinte, dans bien des domaines, aux intérêts de notre pays, de revenir ensuite sur la question de la » dette du Sénégal » avant de s’interroger sur l’option prise par le Gouvernement d’accorder, pour l’aéroport de Diass, des droits de propriété au lieu de recourir, comme cela se fait généralement, à la Convention de concession de service public.
SENEGAL – ASECNA et Convention de Libreville
Les relations entre le Sénégal et l’Asecna reposaient jusqu’à présent sur la Convention de l’Asecna – celle de Saint-Louis de 1959, puis de Dakar de 1974 -, sur l’Accord de siège signé le 17 Juin 1976 et enfin, sur le Contrat Particulier du 07 Décembre 1987 qui annule et remplace celui du 26 Juillet 1961.
L’Accord de siège, comme ceux signés avec la BCEAO, l’OACI ou les représentations diplomatiques accréditées à Dakar, fixait les prérogatives de l’Asecna, les privilèges accordés à ses dirigeants et les immunités, de juridiction et d’exécution notamment, dont elle bénéficiait.
Mais l’Asecna, à travers sa nouvelle Convention, a décidé de rendre caduc l’Accord de siège et de considérer comme nuls tous les engagements contractuels signés en 1961 et en 1987 avec le Sénégal.
C’est ainsi que la Convention de Libreville fixe elle-même ses prérogatives, ses privilèges et ses immunités, élargit le champ des bénéficiaires et ignore volontairement les dispositions de l’Art. 2 al. 6 de l’Accord de siège qui précisent pourtant que » les lois et règlements sénégalais sont applicables au siège de l’Asecna « .
Il en est de même en matière de recrutement du personnel local car, la nouvelle Convention précise à présent, que le DG est libre de recruter du personnel subalterne ou d’exécution non sénégalais.
Cette Convention va même plus loin en précisant qu’en cas de différend entre l’Asecna et le Sénégal, le droit applicable pour l’arbitrage est le Droit français – Art. 18 de l’Annexe 1 –
Mais c’est surtout au niveau de l’Annexe 2 qui liste les espaces aériens des Etats membres mis à la disposition de l’Asecna qu’il y a une fraude manifeste au détriment de notre pays.
En effet, la Convention cite les espaces aériens de chaque pays membre et, s’agissant des espaces confiés par l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale – OACI – à certains Etats, la nouvelle Convention omet de préciser que c’est le Sénégal qui est responsable de la FIR Océanique – FIR = région d’information en vol – qu’il a mis, en même temps que son propre espace aérien, à la disposition de l’Asecna.
Au moment où, comme le dit le DG de l’Asecna lui-même, » certains Etats essaient de se mesurer les uns aux autres « , il n’est pas inutile de rappeler que la FIR Dakar Océanique a été mise à la disposition de l’Asecna par le Sénégal.
Concernant justement la FIR Océanique, un petit rappel historique et quelques explications sont d’ailleurs nécessaires.
FIR Dakar Océanique
La FIR océanique est l’espace aérien situé au-dessus de l’océan Atlantique entre le Sénégal, le Cap-Vert, le Brésil et les Iles Canaries. Cet immense espace où transite presque tout le trafic aérien entre l’Europe et l’Amérique du Sud d’une part et l’Afrique et l’Amérique du Nord d’autre part avait été confié au Portugal dès 1951. C’était la FIR Sal.
Trouvant les investissements trop lourds et la gestion difficile, le Portugal décida de s’en séparer et la FIR fut confiée au Sénégal par l’OACI en 1957 – Réunion SAM / SAT de Novembre 1957.
Ainsi est née la FIR Dakar Océanique en remplacement de la FIR Sal. Et du fait que les redevances aéronautiques n’existaient pas à cette époque, c’est seulement avec ses moyens propres que le Sénégal a assuré la régularité et la sécurité des vols à la grande satisfaction de la Communauté Internationale et des usagers.
Avec la création de l’Asecna en 1959, le Sénégal mit à la disposition de l’Agence son espace aérien national et la FIR Dakar Océanique, tout en continuant de fournir à l’Asecna les moyens financiers nécessaires au bon fonctionnement de cette FIR – Contrat Particulier de 1961 -.
Et ce n’est qu’en 1963, sur initiative du Président Senghor, que le paiement de ces redevances aéronautiques a d’abord été posé par le Sénégal, accepté avec quelques réticences par les compagnies aériennes avant d’être généralisé par l’OACI.
Aujourd’hui que la FIR Océanique est devenue la principale pourvoyeuse de ressources de l’Asecna et que chaque Etat, avec la complicité de la Direction Générale de l’Agence, cherche à s’accaparer des revenus de son propre espace aérien, on fait comme si cette FIR océanique n’est pas la FIR Dakar Océanique de 1957.
Et ceux qui pensent que le Sénégal n’a pu conserver cette FIR qu’à cause de l’appui des Etats membres de l’Asecna devront demander à M. Mamadou DIOP, ancien Maire de Dakar et Ministre des Transports à l’époque, qui avait convoqué en Janvier 1977, une réunion spéciale du Comité des Ministres de l’Asecna pour solliciter le soutien des Etats membres ; seuls deux (2) ministres sur les quinze (15) ont répondu à son invitation et six (6) Etats membres n’ont même pas envoyé de délégation.
Si nous avons de tout temps conservé cette FIR malgré les velléités des uns et des autres et ce, au profit de l’Asecna, nous le devons à la justesse de nos arguments, au sérieux de nos cadres techniques et de Contrôle mais également et surtout à la très grande compétence des Diplomates du Ministère des Affaires Etrangères.
Il est regrettable que notre Ministre de tutelle puisse signer, au nom de notre pays, une pareille Convention sans exiger des modifications et autres amendements.
J’espère en tout cas qu’il a obtenu l’aval du Ministère des Affaires Etrangères, de même que l’approbation expresse de l’Assemblée générale de la Cour Suprême – ou l’organe qui en fait office – pour la conformité avec notre législation interne.
Mais la nouvelle Convention ne s’intéresse pas seulement qu’aux Privilèges et Immunités ; elle accorde une large place au patrimoine foncier mis à la disposition de l’Agence par les Etats membres et réglemente, dans le détail, les conséquences du retrait d’un Etat membre sur ce patrimoine.
On aura compris que l’Asecna a décidé de tirer toutes les leçons de l’intention passée du Sénégal de se retirer de l’Agence.
Patrimoine Foncier
Notre pays a mis à la disposition de l’Asecna un immense patrimoine foncier que sa direction actuelle essaie de faire entrer dans son patrimoine propre. C’est ainsi que la Convention dite de Libreville demande aux Etats » de prendre les dispositions législatives et réglementaires permettant à l’Agence de conserver la propriété des biens financés sur les ressources communautaires et situés sur le Domaine public « .
Hormis le fait que les Etats membres n’ont pas tous la même législation et donc, pas la même compréhension du Domaine public, il se trouve qu’il n’y a pas de commune mesure entre le patrimoine foncier mis à la disposition de l’Asecna par le Sénégal et par les autres Etats.
Il s’y ajoute que notre Code du Domaine de l’Etat précise que » ….les aérodromes et aéroports avec leurs dépendances nécessaires à la Navigation aérienne, centres météo, de contrôle et de guidage …..etc. relèvent du Domaine public « .
Enfin, il y a que la Convention de Libreville viole l’Art. 3 du Procès-Verbal du 9 Mai 1964 qui régit les biens immobiliers sénégalais mis à la disposition de l’Asecna – biens propres et biens provenant de l’Accord domanial entre la France et le Sénégal – et qui stipule que » l’Agence abandonnera (au Sénégal), sans indemnités, les constructions, aménagements et améliorations de toute nature réalisés par elle, quel qu’ait été leur mode de financement « .
C’est pourquoi, il est urgent que les services compétents, comme la Direction nationale du Patrimoine Bâti, procèdent à un inventaire complet des biens mis à la disposition de l’Agence et notamment les immeubles de la cité des Almadies, du Point E, de Mermoz, des rues Joffre et Jules Ferry, de Fann-résidence, de l’Aéroport, de la zone industrielle, ….
Je ne saurais terminer sur le chapitre de la Convention de Libreville sans préciser que beaucoup de difficultés avec l’Asecna résultent de notre non représentation au niveau des instances dirigeantes.
En effet, une règle non écrite semble régir nos relations, à savoir que le Sénégal accueille le siège et les autres Etats, à tour de rôle, assurent la Direction générale.
On se rappelle que les Cadres sénégalais membres de l’ACSAC – Amicale des Cadres Sénégalais de l’Aéronautique Civile – avaient saisi en 2002, M. le Président de la République et le DG de l’Asecna pour dénoncer le fait que notre pays n’était pas représenté au niveau du Comité de direction et que tous les projets d’avenir étaient discutés sans aucun représentant sénégalais.
La situation n’a pas tellement changé, l’actuel DG de l’Asecna ne nous ayant sans doute pas encore pardonné d’avoir soutenu une autre candidature que la sienne. Mais ce n’est pas au DG que le Sénégal doit s’adresser pour la résolution de ce problème.
En effet, le Sénégal, en accueillant le siège et en octroyant à l’Agence et à ses membres tous les avantages immobiliers, fiscaux et douaniers qui vont avec, doit exiger d’être représenté de manière permanente à toutes les instances de décision.
A l’instar de la France qui n’a jamais ratifié la Convention de Dakar et qui a refusé l’application sur son territoire de beaucoup de dispositions de la nouvelle Convention de Libreville, et qui, malgré tout, occupe depuis toujours le poste de PCA de l’Asecna, le Sénégal se doit d’assurer des fonctions telles que Secrétaire Général, Secrétaire ou Délégué Permanent ou autre…. au niveau des instances dirigeantes de l’Agence.
Ce ne serait que justice pour l’Etat qui abrite le siège et qui a beaucoup apporté à l’Asecna et ce, depuis toujours.
La Dette du Sénégal
Le traitement de la dette, fait par l’Agence et notamment par le Comité des Ministres de l’Asecna, est choquant et totalement inacceptable.
Il est choquant car c’est par une Résolution du Comité des ministres, largement diffusée – Résolution C.M 48.9 – que l’Asecna demande au Sénégal de » mettre fin sans délai à toutes les mesures prises en violation flagrante des règles communautaires » et d’exiger du Sénégal, » le remboursement dans un délai de deux (2) mois des sommes indûment perçues « .
Ainsi présenté, le problème de la dette ne serait rien d’autre que du banditisme d’Etat opéré par le Sénégal.
Or, il n’en est rien.
Il se trouve simplement que notre pays avait manifesté son intention de se retirer de l’Asecna et, face à de nombreuses médiations, avait réclamé un audit international pour éventuellement revenir sur sa décision.
L’Asecna était restée sourde à toutes nos réclamations. Dès lors, il était normal que le Sénégal prenne des mesures conservatoires en récupérant l’ensemble des redevances d’atterrissage, d’en verser une partie à l’Asecna et d’utiliser le reste pour le fonctionnement normal des installations dont l’Agence n’assurait plus ni la maintenance et ni la gestion.
Faut-il le rappeler, ces redevances concernent des aéronefs ayant atterri à Dakar, notre aéroport, dont nous avons confié la gestion technique à l’Asecna et dont nous sommes parfaitement en droit d’en conserver les revenus et d’en assurer le fonctionnement.
Ce genre de problèmes, assez fréquents dans les organismes communautaires, devrait simplement faire l’objet de concertations entre dirigeants ou faire partie des points à discuter au cas où le Sénégal se déciderait à quitter définitivement l’Agence.
Cela ne mérite nullement des résolutions adressées à un Etat souverain, membre fondateur et qui a tellement donné pour son bon fonctionnement. Mais il est vrai, comme l’a dit le DG de l’Asecna lui même » ….certains Etats essaient de se mesurer les uns aux autres « .
Il s’y ajoute que les montants retenus au moment des faits et qui tournaient entre trois (3) et quatre (4) milliards sont très loin des quinze (15) milliards annoncés par le DG de l’Asecna, dont huit (8) pour les compagnies aériennes.
S’agissant justement de ces compagnies aériennes, l’Asecna sait très bien qu’il s’agit de compagnies privées, n’ayant aucun lien organique avec l’Etat. Du reste, la seule obligation qui pèse sur l’Etat du Sénégal, c’est celle prévue par l’Art. 12 al. 2 de l’Annexe VI du Contrat Particulier, qui précise que » le Gouvernement du Sénégal s’engage à mettre en oeuvre, à la demande de l’Agence, tous moyens de coercition à l’encontre des débiteurs récalcitrants « .
Du reste, il est grand temps, de faire la part des choses ; il n’appartient pas à l’Etat de payer des salaires ou des indemnités à des ex-travailleurs de sociétés privées en faillite ou en liquidation. Les procédures collectives concernant ces compagnies relèvent de l’Acte Uniforme de l’OHADA.
Rien ne peut justifier que l’Etat puisse payer les droits de ces ex-travailleurs et ne pas payer les droits des anciens travailleurs de la SOTRAC, de la SIAS ou de l’Hôtel Indépendance.
De même, il n’appartient pas à l’Asecna de décider que les dettes des compagnies privées battant pavillon sénégalais sont des dettes du Sénégal. C’est une façon commode pour l’Agence de ne rien faire pour assurer le recouvrement de ses créances.
Aucun texte ne le prévoit et aucune règle ne le justifie.
Mais les difficultés du secteur aéronautique ne relèvent pas seulement de nos rapports avec l’Asecna. Elles résultent également des nombreuses difficultés constatées au niveau de nos aérodromes régionaux.
TOURISME et TRANSPORTS AERIENS
Lors des journées nationales du Tourisme organisées en 2005 au Cap-Skirring, le ministre de tutelle prenait l’engagement d’allonger la piste de cet aérodrome et ce, à la demande des hôteliers et des Tour-operators de cette localité.
L’investissement réalisé était de l’ordre de un(1) milliard.
En 2012, l’Agence des Aéroports du Sénégal – ADS – signait un contrat pour la réhabilitation des chaussées aéronautiques et des pistes des aérodromes de Ziguinchor et de Cap-Skirring pour un nouveau montant de quatre (4) milliards.
Ces investissements très lourds, réalisés sans aucune participation du Fonds de Promotion touristique, amènent à s’interroger sur la pertinence de pareilles actions, surtout au regard des redevances perçues au niveau de ces aérodromes.
Aérodromes régionaux
En effet, les redevances aéronautiques perçues au niveau de nos aérodromes régionaux sont dérisoires par rapport aux dépenses de fonctionnement – charges du personnel, frais de maintenance, d’entretien … – et ce sont des milliards qui sont dépensés chaque année pour le fonctionnement de nos aérodromes.
Aucune politique touristique ne peut justifier cette dilapidation de nos maigres ressources pour un secteur qui aurait dû nous enrichir.
Et rien ne peut expliquer qu’aucune initiative ne soit prise en faveur de nos aérodromes régionaux dont certains génèrent des recettes annuelles inférieures à un (1) million de francs – soit moins de cent mille (100.000) francs par mois – alors que leur budget de fonctionnement annuel se chiffre en centaines de millions.
Face à cette situation, l’ACSAC avait saisi en 2005 comme en 2007, M. le Président de la République pour dénoncer cet état de fait et proposer la création de compagnies aériennes régionales comme » Air Casamance » et » Air Sénégal Oriental « , pour faire vivre ces aérodromes, avec la participation des Chambres de Commerce, des Conseils régionaux, des professionnels du Tourisme, des Groupements féminins et surtout, des cadres et expatriés ressortissants de ces régions.
Dans notre entendement, ce sont ces compagnies régionales qui auraient dû constituer l’actionnariat principal de Sénégal Airlines.
Face à toutes ces difficultés, on ne peut pas comprendre que le Gouvernement veuille s’engager dans une nouvelle politique de création ou de réhabilitation d’aérodromes, annonçant déjà Matam, Touba, Kédougou, …
Du reste, la presse a déjà annoncé l’attribution du marché de la clôture de l’aéroport de Touba pour plus d’un (1) demi-milliard alors qu’on ne sait même pas, avec exactitude, le montant des impenses à payer, ni la qualité du sol sur le site envisagé, ni la superficie nécessaire pour les zones de servitudes, …
Il aurait été plus logique et bien plus sage de saisir la Commission départementale de recensement et d’évaluation des impenses – CDREI – de Mbacké, pour avoir déjà une idée du coût des indemnisations, du nombre de villages à déplacer, de l’assiette foncière pour leur recasement,…
De même, on aurait pu créer une Commission large pour examiner les conséquences de la construction des autoroutes Dakar–Thiès–Touba et AIBD-Thiès-Touba sur le futur fonctionnement de cet aéroport.
Toutes ces initiatives, qui sont indispensables avant tout début des travaux de construction et qui sont de la responsabilité des autorités administratives locales, n’auraient pas coûté un seul franc et auraient permis aux ADS d’épargner un demi-milliard.
Mais la situation est autrement plus préoccupante en ce qui concerne l’Aéroport Blaise Diagne, avec sa privatisation et le partage de ses actions.
AEROPORT de DIASS
L’information selon laquelle les actions du futur aéroport de Diass ont été cédées à Fraport, au Fonsis et à hauteur de 20% à AIBD est surprenante.
En effet, la règle la plus répandue en matière de gestion aéroportuaire est la Concession attribuée à un organisme privé – le concessionnaire – par l’Etat-propriétaire en contrepartie de redevances annuelles à préciser.
De ce fait, les installations aéroportuaires, appartenant en totalité à l’Etat, sont loués au concessionnaire qui doit exploiter selon des règles de performance préétablies.
Et dans le cas du transfert de l’Aéroport Léopold S. Senghor à Diass, le concessionnaire devra engager l’ensemble des salariés – aérodromes régionaux compris – et supporter le coût des salaires et des avantages financiers et en nature.
De même, et c’est un des éléments déterminant dans la convention de concession, le concessionnaire doit prendre en charge, dans un délai bien précisé, la formation complète du personnel nécessaire au bon fonctionnement de la plateforme aéroportuaire.
Enfin, le véritable intérêt de la Concession, c’est le droit pour l’Etat concédant de mettre un terme au contrat de Concession, sans jugement et à tout moment, en cas de non-respect de ses engagements par le concessionnaire ou si les nécessités d’ordre public ou d’intérêt public l’exigent.
En tout cas, ceux qui ont pris cette décision ne semblent pas avoir bien pris la pleine mesure de toutes les difficultés et enjeux liés au fonctionnement futur d’un pareil aéroport.
Faut-il le rappeler, l’Aéroport Blaise Diagne de Diass fait quatre mille cinq cents (4.500) hectares, soit près de dix (10) fois la superficie actuelle de l’aéroport de Dakar, plus de six (6) fois l’aéroport d’Abidjan, actuel Hub en Afrique de l’ouest et deuxième aéroport du continent, après Johannesburg, à accueillir actuellement un vol régulier par Airbus A. 380.
On le devine, Diass soulève énormément de problèmes, de sécurité et de sûreté d’abord, de management de l’espace, de cohabitation avec des populations réticentes, de respect des servitudes et d’un environnement comprenant des infrastructures et industries qui impactent négativement sur le Projet – cimenteries, industries extractives, …
Il est évident que dans ces conditions, la privatisation ne me semble pas être la meilleure des solutions pour faire de Diass une future grande plateforme aéroportuaire, surtout que les ADS, qui seuls disposent d’une compétence avérée et d’un personnel qualifié en matière de gestion aéroportuaire, sont bizarrement exclus du capital.
Or, il est certain que ce n’est pas en 2015 qu’AIBD accueillera ses premiers avions et ses grandes compagnies aériennes.
D’ailleurs, au train où vont les choses, ce n’est certainement pas à court terme que l’aéroport de Diass pourra remplacer celui de Dakar.
Mais, pire que tout, cet aéroport risque de devenir au finish, un véritable gouffre à milliards.
L’ ADMINISTRATION AÉRONAUTIQUE
Les ADS comme l’AIBD sont des gestionnaires d’aérodromes, chargés principalement de l’exploitation commerciale de nos aéroports. En effet, l’administration aéronautique de notre pays repose sur l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie – ANACIM -.
Cette structure, de création récente, remplace les deux (2) agences chargées de l’aviation civile et de la Météorologie, l’ANACS et l’ANAMS et dont la suppression en 2012, aura beaucoup surpris.
La surprise vient surtout du fait que l’ANACS comme l’ANAMS ont été crées suite à de nombreuses consultations avec la Banque Mondiale dans le cadre du Projet d’Ajustement Sectoriel du Transport – PAST 2 – qui regroupait les responsables du Ministère de tutelle, des Finances, de la Banque Mondiale, de l’Asecna et des partenaires sociaux.
L’ANACS était chargée de superviser et de réguler tout le secteur aéronautique national et de représenter l’Etat au niveau de toutes les instances aéronautiques. Il en était de même pour l’ANAMS en ce qui concerne la Météorologie.
On ne peut donc comprendre, que peu de temps avant les élections présidentielles de 2012, que ces agences soient purement et simplement supprimées et toutes leurs attributions dévolues à l’ANACIM.
Il est, dans tous les cas, fort regrettable qu’au moment où les changements climatiques et le réchauffement de la terre constituent les vrais enjeux de ce millénaire, que l’Agence chargée de la Météorologie soit supprimée et ses activités confinées à l’intérieur de l’Agence de l’Aviation civile.
La situation est même scandaleuse puisqu’on empêche ainsi notre pays de profiter de sa position géographique, qui en fait le lieu de naissance de la majorité des cyclones qui ravagent le continent américain et ainsi, de jouer un rôle déterminant sur toutes les questions relatives aux changements climatiques et au réchauffement de la terre.
Dakar peut jouer un grand rôle sur toutes les questions climatiques, grâce à notre personnel très qualifié et à l’exploitation des résultats des nombreuses expériences organisées dans le passé au Sénégal.
Il y a donc lieu de revenir au schéma, peut-être simplifié, qui avait été arrêté avec la Banque Mondiale, par la création d’une structure autonome capable de prendre en charge les grandes questions de Climat, d’Environnement et de réchauffement de la terre.
On le voit, notre Ministre a bien des chantiers au niveau du Département des Transports Aériens. Espérons seulement qu’il aura compris que l’Aéronautique Civile n’est pas seulement un support à une quelconque politique touristique.
Dakar, le 22 Novembre 2014
Djibril Birasse BA
- Fonctionnaire retraité de l’Aéronautique Civile (dbba25@yahoo.fr)
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