A l’occasion de sa rentrée solennelle 2014/2015, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage a convié les praticiens du droit de l’espace OHADA à un Colloque sur l’arbitrage. Il faut saisir l’opportunité de ce moment de restitution, destiné aux avocats sénégalais, pour remercier chaleureusement les autorités de la CCJA d’avoir pris cette belle initiative, à laquelle le barreau du Sénégal aura été convié.
Le format de ce Colloque aussi doit être salué, car en plus des membres de la Cour, des spécialistes éminents de l’arbitrage, les organisateurs ont eu le mérite et la clairvoyance de mettre ensemble magistrats et avocats de l’espace OHADA, pour une session de formation opportune et nécessaire.
Que faut-il retenir de cette session de formation dédiée à l’arbitrage ?
En tout premier lieu, que ce mode alternatif de règlement des différends éprouve de réelles difficultés à se développer dans nos espaces communautaires, qu’il s’agisse de l’UEMOA, la CEDEAO ou l’OHADA.
Il conviendra de s’interroger sur les causes du faible développement de l’arbitrage, avant d’envisager, dans un deuxième lieu, les moyens de le revigorer, la responsabilité des uns et des autres dans une telle œuvre, nécessairement collective et multidimensionnelle.
1.Les difficultés de l’arbitrage dans l’espace OHADA.
Les éléments objectifs pouvant attester de ces difficultés ne manquent pas. Les statistiques des affaires dévolues aux Centres d’arbitrage suffisent amplement comme indication de la place marginale de l’arbitrage dans certains pays. Jugez-en plutôt ! Le Centre de Dakar a connu 5 arbitrages de 1998 à 2004 dont 2 sentences rendues, celui du Burkina Faso, le plus dynamique de la sous-région, 16 affaires en 2008, 11 en 2009.
Il faut d’ailleurs préciser que la plupart des pays de l’espace OHADA ne disposent pas encore de centre d’arbitrage.
Le premier texte essentiel sur l’arbitrage OHADA est le Traité dont le titre 4 comporte articles tous consacrés à cette matière. Viennent ensuite l’acte uniforme sur l’arbitrage (AUA) et le Règlement d’arbitrage (RA) textes adoptés le même jour, par le Conseil des ministres des pays membres de l’OHADA, le 11 mars 1999.
Vous trouverez ces différents instruments sur ce site, ainsi que des articles de doctrine et la jurisprudence essentielle de la CCJA en matière d’arbitrage.
Le Colloque d’Abidjan a souligné l’originalité du dispositif mis en place avec l’arbitrage de la CCJA qui tient aux caractéristiques suivantes :
- il s’agit bien d’une Institution d’arbitrage permettant à la CCJA de fonctionner comme un Centre d’arbitrage, intervenant dans des affaires d’arbitrage, au début du processus, tout le long et jusqu’à la sentence finale, dans une posture purement administrative ;
- en plus de cela, le Centre dispose de prérogatives juridictionnelles, lui permettant d’examiner les recours en contestation de validité dirigés contre les sentences rendues en vertu du Règlement d’arbitrage CCJA ;
- last but not least, l’exequatur accordé aux sentences évoquées ci-dessus permet de procéder à l’exécution forcée dans n’importe quel pays membre de l’espace OHADA.
L’espoir est donc permis de voir la CCJA jouer pleinement son rôle et contribuer au développement de l’arbitrage dans l’espace OHADA.
Certes, les propres statistiques de la Cour ne sont pas excellentes, loin s’en faut, il n’empêche, la progression du volume d’affairesrévèle un réel dynamisme qui autorise l’espoir.
2.Les perspectives de l’arbitrage dans l’espace OHADA.
Il faut bien avoir à l’esprit que dans l’espace OHADA, l’arbitrage repose sur une certaine dualité.
L’arbitrage organisé par les centres nationaux, en vertu de législations nationales ou de l’acte uniforme sur l’arbitrage doit être distingué de celui conduit sous l’égide du Règlement CCJA, des différences notables pouvant exister entre les deux formes d’arbitrage.
Dès lors que les mécanismes juridiques et les institutions d’arbitrage voulus par les pays membres de l’OHADA sont clairs, précis et pertinents, quelles pourraient être les causes de cette léthargie, voire de la morosité ambiante, empêchant un réel décollage de ce mode alternatif de règlement de conflits au sein de notre espace communautaire ?
Les participants au Colloque d’Abidjan ont fortement mis en évidence le besoin de formation des praticiens du droit très peu outillés sur la pratique de l’arbitrage.
Le faible niveau de formation des avocats et magistrats en la matière demeure sans doute une première forte explication au manque de rayonnement de l’arbitrage dans nos pays, d’où la pertinence et l’utilité de reproduire et démultiplier les activités analogues à celle initiée par la CCJA.
Les barreaux doivent prendre le relai, et se rapprocher des Centres d’arbitrage, au besoin, contribuer à les réformer, par une coopération croissante entre métiers du droit, entreprises et chambres de commerce.
Bien entendu, le Colloque ne l’a pas suffisamment mis en lumière, mais la volonté politique des décideurs politiques doit davantage se traduire dans les actes.
Certes, se doter des instruments juridiques pertinents reste une excellente chose, le plus important doit consister à se donner les moyens de garantir l’effectivité de tels instruments.
Un plaidoyer énergique, substantiel, cohérent et continu du monde de l’arbitrage auprès des décideurs demeure une dimension qui mérite d’être intégrée dans les stratégies de développement de l’arbitrage, au même titre que la formation et la promotion de ce mode alternatif de règlement des différends.