Procédures collectives : de l’identification au recouvrement des créances postérieures privilégiées

Lu pour vous
Kevin Tanter.

Par Kevin Tanter.

A l’occasion d’une procédure collective, nombre de créanciers se heurtent à l’impossibilité de recouvrer leur créance, en cause, notamment, une méconnaissance des délais, des différents intervenants et de leurs pouvoirs respectifs.

Bien qu’il soit essentiel pour une société en difficulté de poursuivre son activité afin d’épurer son passif et à terme, espérer se relever, celles-ci risquent de se heurter à la volonté d’un cocontractant d’interrompre leur relation d’affaire ou à un tiers refusant de contracter pour les raisons sus évoquées.

Dans de telles procédures, les enjeux sont parfois si importants que l’ensemble de l’édifice menace de s’effondrer si les intérêts des protagonistes en présence, bien que divergents, voir antagonistes, ne peuvent être conciliés.

L’objet de cet article est d’éclaircir la notion de créance postérieure privilégiée, puis de mettre en exergue ses avantages lors d’une procédure de recouvrement.
Vous l’aurez compris, il est dans l’intérêt de la société en difficulté que de rassurer ses créanciers, présents ou à venir, pouvant légitimement craindre d’être lésés.

1/ L’identification de la créance prioritaire :

Au terme du 1er alinéa de l’article L622-17 du Code de commerce, le législateur subordonne le bénéfice de ce régime privilégié à la réalisation de trois conditions : l’antériorité, la régularité et l’utilité de la créance.

La créance doit être antérieure :

En effet, cette créance doit être née après le jugement d’ouverture et pendant le déroulement de la procédure collective. Ce critère d’antériorité s’apprécie selon le cas :

  • De sauvegarde ou de redressement judiciaire avec en ligne de mire l’adoption d’un plan, les créances bénéficiant de ce régime privilégié sont celles nées après le jugement d’ouverture et ce jusqu’à l’adaptation du plan si cette adoption achève la période d’observation et la procédure.
  • De liquidation judiciaire, l’article L641-13 du Code de commerce dispose qu’il s’agira des créances nées après le jugement d’ouverture ou pour les besoins de la procédure et jusqu’à la clôture de la procédure de liquidation.

Il en est de même si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure et le maintien provisoire de l’activité.

Les créances nées en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l’activité ou en exécution d’un contrat en cours décidée par le liquidateur endossent également cette qualification.

La créance doit être née « régulièrement » :

Le texte ne définit pas ces « créances nées régulièrement », c’est pourquoi la jurisprudence s’est attachée à pallier ce vide, et notamment par un arrêt de la Cour de cassation réunie en sa chambre commerciale en date du 13 octobre 1998 où elle a défini la créance née régulièrement comme celle née « conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l’administrateur » après le jugement d’ouverture de la procédure collective.

Autrement dit, la créance doit être née dans le respect des pouvoirs des organes de la procédure et du débiteur, tout en s’assurant que l’acte donnant naissance à la créance n’est pas légalement prohibé, et avoir été conclu par une personne pourvue de cette capacité, il s’agit selon les cas :

  • De sauvegarde ou de redressement judiciaire : il peut s’agir du débiteur, de l’administrateur s’il en est désigné un, et l’autorisation du Juge commissaire peut être requise.
  • De liquidation, le liquidateur est seul compétent pour la quasi-totalité des actes.

De ce fait, une créance née d’un acte accomplit par une personne qui n’en avait pas le pouvoir, même si ladite créance nait postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, sera exclue du domaine des créances postérieures privilégiées en raison de sa naissance elle-même irrégulière.

La créance doit être « utile » à la procédure :

Également, cet article L622-17 du Code de commerce dispose que la créance, pour bénéficier du régime de priorité, doit être née pour le besoin du déroulement de la procédure collective.
N’oublions pas que l’objet même de ces procédures collectives est d’assister les entreprises en difficultés.

Il faut ici comprendre que cette créance doit être utile au bon déroulement de la procédure, et par opposition une créance serait qualifiée d’inutile à la procédure si par exemple elle ne sert que les seuls intérêts égoïstes du débiteur, ou émanant d’un acte conclu sans relation quelconque avec la vie professionnelle du débiteur.

Il convient néanmoins de préciser que l’appréciation du caractère utile de ces créances est perçue de manière extensive par la jurisprudence, en effet, ces créances ne sont pas cloisonnées au sens strict dans le champ de l’activité professionnelle du débiteur (à titre d’exemple, le débiteur doit être capable de se rendre sur son lieu de travail).

La nuance peut être subtile et la frontière semble très proche.

Une fois la créance prioritaire identifiée, il s’agira pour le créancier, en cas de litige ou de prononcé de liquidation judiciaire, de recouvrer les sommes qui lui sont dues.

2/ Le recouvrement de la créance prioritaire :

Les créanciers prioritaires bénéficient d’un régime particulièrement protecteur à l’encontre de leur débiteur. En effet, ils disposent d’un rang privilégié au sein la hiérarchie des créanciers qui, dans « le prix de la course », les verra partir en tête.

Le privilège général des créances postérieures :

Le titulaire d’une créance postérieure va effectivement bénéficier d’un droit de paiement prioritaire qu’il va opposer aux autres créanciers de son débiteur :

  • Dans le cas d’une sauvegarde ou d’un redressement, seuls le « super privilège » des salariés, les frais de justice et le privilège de la conciliation surpasseront celui des créanciers postérieurs privilégiés.
  • Dans le cas d’une liquidation, seules certaines suretés et nantissement surpasseront le privilège de ces créanciers prioritaires.

Pour ce qui est des délais :

  • Pour ce qui est des sauvegardes et redressements, les créanciers impayés ont un an pour porter leur créance à la connaissance de l’administrateur et à défaut du mandataire judicaire, à compter de la fin de la période d’observation.
  • Il en va différemment dans le cas d’une liquidation judiciaire d’où il ressort des dispositions de l’article L641-13 du Code de commerce qu’un délai de principe de six mois est accordé aux créanciers pour porter leur créance à la connaissance du mandataire judiciaire, de l’administrateur s’il en est désigné un, ou du liquidateur à compter du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation, et un délai étendu à un an à compter de la publication du jugement arrêtant le plan de cession.

Le droit de préférence accordé aux créanciers

Par principe, ces créances postérieures privilégiées doivent être payées à l’échéance. Bien qu’il ne soit pas inutile de rappeler que les créanciers « super-privilégiés » restent toujours prioritaires dans le recouvrement de leurs créances.

Si la règle de principe ne s’applique pas « elles sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés. » ; autrement dit, au terme de la période d’observation, les créanciers postérieurs bénéficient d’un droit de priorité qui s’exerce lors de la répartition des actifs de la société par les organes de la procédure.

Ce privilège est tellement important qu’il permet de primer sur les créanciers antérieurs munis eux aussi de privilèges ou de suretés.

Il convient cependant de rappeler qu’au terme de l’article L662-1 du Code de commerce, toutes saisies portant sur les sommes déposées à la Caisse des dépôts et consignation sont prohibées.

En son troisième alinéa l’article L622-17 du Code de commerce dispose que le paiement des créanciers privilégiés sera établit dans l’ordre suivant :

  • Tout d’abord, les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du Code du travail ;
  • Puis, les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l’exécution des contrats poursuivis, dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période ;
  • Et enfin, les autres créances, selon leur rang.

Kevin TANTER

Source : http://www.village-justice.com/articles/Procedures-collectives,22305.html