Nullité d’une vente immobilière pour violence d’un tiers

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Le juge peut se fonder sur des éléments postérieurs à la date de formation du contrat de vente pour apprécier la violence constitutive d’un vice du consentement du propriétaire par un tiers au contrat.

En 2007, par acte notarié, un propriétaire a vendu une maison d’habitation, au prix de 30.000 euros, à des époux qui l’ont revendue à de nouveaux acquéreurs la même année, au prix de 62.000 euros.

En 2008, l’ancien propriétaire a assigné les premiers et seconds acquéreurs en annulation des ventes successives sur le fondement du vice du consentement. En 2010, le demandeur a été placé sous curatelle simple, sa fille étant désignée curatrice.

Le 4 décembre 2014, la cour d’appel de Rennes a annulé la première vente et de fait la seconde. Elle a précisé que le propriétaire devrait reprendre cet immeuble, avec restitution du prix au premier acquéreur par le propriétaire et restitution du prix au second acquéreur par le deuxième vendeur.

Elle a relevé que les attestations versées aux débats confirmaient le comportement manipulateur d’un tiers au contrat qui, entretenant depuis plus de deux ans une relation avec le propriétaire, l’isolait de son entourage familial et l’incitait à le laisser gérer son patrimoine. Par ailleurs, selon la cour d’appel, une main courante en 2007 et des certificats médicaux produits établissaient que le propriétaire avait présenté, peu avant la vente, des épisodes de troubles mentaux. Elle ajoute qu’il avait été admis à percevoir l’allocation adulte handicapé à compter de 2009 en raison d’un taux d’incapacité entre 50 et 75 % et qu’à la suite de la vente de sa maison, il avait déposé plainte contre ce tiers pour abus de confiance.

Elle rappelle par la suite que le propriétaire n’avait dû quitter sa maison en 2005 qu’en raison de l’état d’insalubrité de celle-ci, dans l’attente de sa réhabilitation, avant d’ajouter qu’il avait été entendu en 2007 par les services de police en raison de menaces proférées par ce tiers et sa concubine à la suite de sa plainte, ce qui confirmait l’emprise de cet homme sur la personne du propriétaire.
Elle conclut enfin que ce tiers était présent lors de la signature de l’acte de vente de la maison et avait procédé au retrait de 10.000 euros, soit le tiers du prix, le lendemain du versement de celui-ci, en vertu d’une procuration obtenue deux mois plus tôt.

Le 4 mai 2016, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Elle a estimé que la cour d’appel, qui pouvait se fonder sur des éléments postérieurs à la date de formation du contrat, a pu déduire de l’ensemble de ces éléments la violence constitutive d’un vice du consentement du propriétaire et a ainsi légalement justifié sa décision.

© LegalNews 2016 – Aurélia Gervais