Avocat au barreau de Toulouse, président de la Conférence des bâtonniers, Jean-Luc Forget a bien voulu répondre à nos interrogations sur l’Ordre des avocats. À noter qu’il a dirigé avec Marie-Anne Frison-Roche un ouvrage collectif de la Conférence des bâtonniers sur le thème Avocats et ordres du 21e siècle, paru chez Dalloz en 2014.
Quelle est l’origine historique de l’ordre des avocats ?
Il faut remonter à la fin du XVIIe siècle pour retrouver les prémices d’une organisation des avocats. Les ordres s’organisent alors de façon diverse. Ils déterminent ceux qui peuvent exercer la profession d’avocat et qui figurent au tableau. L’association de ces professionnels est caractérisée par l’autodiscipline au nom d’un certain nombre de principes moraux.
Les ordres vont être dissous par l’Assemblée nationale constituante par décret du 2 septembre 1790, cette organisation étant assimilée à l’organisation judiciaire de l’ancien régime. La dissolution accompagne sous la Révolution la disparition de l’avocat professionnel indépendant membre d’une profession réglementée.
Avec réticence, Napoléon les rétablit par décret du 14 décembre 1810 acceptant en quelque sorte d’organiser les barreaux à la condition qu’ils soient surveillés par les magistrats. C’est alors le Procureur qui nomme le Bâtonnier et l’avocat prête serment « d’obéissance aux constitutions de l’Empire et fidélité à l’Empereur ».
C’est sous Louis-Philippe que l’avocat sera rétabli dans son indépendance. Cette indépendance et progressivement l’indépendance des ordres vont s’affirmer au cours des temps et des tensions, voire des confrontations permanentes avec les pouvoirs politiques qui ont la tentation de renforcer leur contrôle sur la profession de l’indépendance.
Si j’osais, en prenant peu de liberté avec l’histoire, je dirais que l’Ordre des avocats caractérise l’État de droit et que sa construction accompagne la construction de l’État de droit démocratique.
Quel est son fonctionnement ?
L’Ordre est une institution démocratique. Il est présidé par un bâtonnier élu par l’ensemble des avocats exerçant dans le ressort du tribunal de grande instance. Il est administré par un Conseil de l’ordre dont les membres sont également élus par tous les avocats. L’Ordre, qui assure des fonctions administratives et budgétaires autonomes, a pour objet de défendre les divers exercices professionnels de l’avocat, tous exercices caractérisés par l’indépendance.
Défendre les avocats c’est leur permettre de bénéficier de services pour faciliter l’exercice de leurs missions mais encore assurer le contrôle déontologique de leurs diverses activités. Le contrôle ne se confond pas avec la discipline qui est de la compétence des commissions régionales de discipline.
Quel est le rôle de la Conférence des bâtonniers ?
La Conférence des bâtonniers fédère l’ensemble des 163 ordres de province. Elle est la voix des ordres ; ou plutôt, elle renforce la voix des ordres et affirme l’Ordre et son rôle politique au sein du Conseil national des barreaux, institution représentative de la profession d’avocat.
Elle assure la mutualisation d’initiatives, de services et d’outils de contrôles. Elle initie et accompagne l’évolution vers la professionnalisation des structures de régulation de la profession que sont les ordres.
Comment l’Ordre est-il le garant de l’indépendance de la profession ?
L’indépendance des ordres est garante de l’indépendance de la profession. C’est l’Ordre et lui seul qui a pour tâche aux termes de l’article 17-3° de la loi du 31 décembre 1971 « de maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération, de confraternité sur lesquels repose la profession et d’exercer la surveillance que l’honneur et l’intérêt de ses membres rendent nécessaires ». L’indépendance trouve fondement et force dans ces valeurs.
L’Ordre est maître du tableau. Les ordres ont édicté leurs règles déontologiques aujourd’hui unifiées par le Conseil national des barreaux (CNB). L’Ordre assure le contrôle de la règle déontologique et le Conseil de l’Ordre a pour tâche de concourir à la discipline. L’Ordre est investi d’une mission générale de contrôle et assure aux avocats des services.
La régulation de la profession par la profession est un combat permanent. C’est cette autorégulation qui assure la protection de l’avocat français indépendant. Un avocat ne peut se trouver seul sans assistance, sans conseil ou sans défense pour assurer l’assistance, le conseil et la défense.
L’avocat sait qu’une collectivité organisée lui assure service, contrôle et donc défense pour qu’il puisse assumer ses exercices professionnels avec indépendance. Ainsi, l’Ordre est une exigence pour l’avocat moderne indépendant. Il n’est pas une protection. Il est une indispensable défense.
Est-ce que les instances ordinales existent au niveau européen ?
Non. Il n’y a pas d’organisation ordinale européenne même s’il existe une fédération des barreaux d’Europe qui regroupe les représentants des instances ordinales de chaque pays. Les ordres existent sous des formes différentes dans les pays européens. Ils sont organisés pour assurer l’indépendance des avocats au regard de l’organisation institutionnelle et politique de chaque pays.
Le questionnaire de Désiré Dalloz
Quel est votre meilleur souvenir d’étudiant ? ou le pire ?
Le meilleur : la vie étudiante excepté les études ; l’épreuve de la liberté.
Le pire : « la surenchère » sujet sur lequel j’étais tombé à la fin de ma 2e année de droit. Depuis j’en sais un peu plus sur la surenchère.
Quel est votre héros de fiction préféré ?
Astérix. J’aime bien ce petit personnage qui triomphe par potion et malice comme l’avocat exerce sa profession par compétence et stratégie.
Quel est votre droit de l’homme préféré ?
Je ne sais pas répondre à cette question. Comment choisir parmi des droits qui constituent un tout ?
Auteur : M. B.