les réfugiés et déplacés climatiques, une problématique mondiale qui doit être prise en charge – Par El hadji Mame Gning, Avocat.

Lu pour vous

auton34261-19f32« … Ne nous faisons pas d’illusions. Il s’agit d’une crise. Une menace pour chacun d’entre nous. Pour nos économies. Pour notre sécurité. Et pour le bien-être de nos enfants et de leurs futurs enfants. Les signes du danger sont partout. Personne ne peut se prémunir des changements climatiques. C’est un défi à l’existence même de la race humaine– à nos façons de vivre, à nos projets d’avenir. Nous devons assumer nos responsabilités. Nous sommes, collectivement, le problème. Nous devons donc trouver des solutions. Le créneau qui s’offre à nous pour empêcher que les effets des changements climatiques ne deviennent incontrôlables est en train de se rétrécir. Lorsque les générations futures se pencheront sur les choix que nous avons faits, faisons en sorte qu’ils n’aient pas à nous blâmer pour ne pas avoir agi à temps… »

Ainsi s’exprimait monsieur le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon à l’adresse de Etats, lors de la 18ème Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s’est tenue à Doha, au Qatar du 26 Novembre au 07 Décembre 2012.

Le constat, pour amer qu’il soit a été, unanimement fait par l’ensemble de la communauté internationale instruite chaque jour, par ses propres yeux, par le truchement des diffusions des chaines de télévision parlant de l’actualité nationale ou internationale et projetant des images terrifiantes, sur les cyclones, les inondations, la sécheresse, la désertification, l’augmentation du niveau de la mer, la fonte des glaciers, les variations extrêmes de température et leurs effets dévastateurs, entraînant des exodes de populations démunies, devenues des « réfugiés environnementaux » pour certaines d’entre elles ou « déplacés climatiques » pour d’autres, puisque n’ayant plus d’autre choix, que de quitter leurs propres terroirs, pour des contrées plus accueillantes, à l’intérieur de leur propre pays, si elles ne sont pas contraintes de franchir des frontières, pour s’installer dans des pays limitrophes ou d’autres pays tiers présentant plus de capacités d’accueil et de protection…

Nos pensées compatissantes vont aux populations du Vanuatou, dans le Pacifique, dont le cadre de vie a été gravement dégradé dans la nuit du Vendredi au samedi 14 mars 2015, au moment ou j’écrivais ces lignes, après le passage de Pam, un cyclone d’une rare violence (niveau 5, le plus élevé) qui a provoqué « un nombre important de victimes », selon Sune Gudnitz, chef du bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (Ocha) dans le Pacifique.

Le changement climatique qui est à l’origine des dérèglements n’est pas cependant la seule cause du phénomène des « réfugiés environnementaux » et « déplacés climatiques ».

En effet, la cause humaine est depuis longtemps mise en évidence : la déforestation, l’utilisation abusive des sols entrainant leur appauvrissement, une politique industrielle peu soucieuse de l’impact environnemental, des conflits armés ayant rendu des terres indisponibles ou dangereuses pour la vie à cause de l’enfouissement de mines anti-personnes, d’une catastrophe d’origine nucléaire ou industrielle, des marées noires empoisonnant des eaux de mer et les ressources etc., sont répertoriées en bonne place dans l’arrêt de mise en accusation avec leur lot de misère et de pertes en vies humaines, réfugiés et déplacés environnementaux étant pour la plupart d’entre eux des survivants à des catastrophes naturelles, industrielles ou nucléaires…

Ainsi, souvenons nous un instant seulement, de Bhopal en Inde, Seveso en Italie, Tchernobyl en Ukraine, AZF à Toulouse… autant de « grands noms » assimilés à des catastrophes industrielles. Des catastrophes directement liées à l’activité humaine.

À Bhopal (Inde), le bilan officiel, après la fuite de 40 tonnes de gaz toxiques de l’usine de pesticides d’Union Carbide le 3 décembre 1984, fait état de 8.000 morts dans les trois premiers jours et de plus de 20.000 en près de 20 ans. Dans le cas de Tchernobyl (Ukraine, 26 avril 1986), le bilan fait toujours polémique deux décennies après l’explosion du réacteur nucléaire : de 50 morts d’irradiations aiguës et 4.000 cas de cancers de la thyroïde, pour l’OMS et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA, dépendant de l’Onu), à plusieurs dizaines de milliers selon d’autres sources scientifiques ou associatives.

La situation des « réfugiés environnementaux »,des « déplacés climatiques » où encore des « migrants climatiques » n’en reste pas moins plus que préoccupante, tant par la violence et le caractère spectaculaire des circonstances qui ont souvent accompagné leur expulsion de leur cadre de vie naturel, que par la méconnaissance massive des droits des personnes qu’elle entraine et l’interpellation des Etats ou de la communauté internationale qui s’ensuit, quant à leur devoir de protéger les individus, comme les collectivités, de respecter et de faire respecter les droits de l’homme et d’accomplir leur devoir d’assistance humanitaire, en prodiguant aide et assistance aux « réfugiés environnementaux » et aux « déplacés climatiques ».

Il est souvent soutenu que les « réfugiés environnementaux » et « déplacés climatiques » ne sont protégés ni par la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés, encore moins par le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme, ce qui rendrait leur statut aléatoire.

Nous envisageons de discuter cette fragilité relevée à tort ou à raison, mais avant de ce faire, il serait utile de savoir qui sont ces réfugiés environnementaux.

I- Les réfugiés environnementaux : une notion complexe qui couvre des situations diverses.

Le phénomène des réfugiés environnementaux est assez complexe. Elle couvre plusieurs situations. Les nombreux intervenants dans la prise en charge du phénomène ayant des spécialités différentes n’ont fait qu’ajouter à la complexité , tant les termes utilisés pour désigner ce phénomène sont nombreux et peuvent souvent prêter à confusion : « réfugiés environnementaux », « réfugiés climatiques », « déplacés climatiques », « déplacés environnementaux », « déplacés forcés », « migrants climatiques ». Qui sont-ils véritablement ?

A- Qui sont les réfugiés environnementaux ?

1- Les réfugiés environnementaux :

Les réfugiés environnementaux ou réfugiés de l’environnement, lato sensu, est une notion très large qui englobe aussi bien les victimes de catastrophes écologiques d’origine naturelle ou humaine (tremblements de terre, éruptions volcaniques, déforestation, accident industriel etc.), que les personnes déplacées par des événements liés au changement climatique (sécheresses, désertification, cyclones, inondations, avancée de la mer etc.).

Jusqu’à une époque récente, les réfugiés climatiques étaient surtout des agriculteurs ou pêcheurs. Depuis quelques années, leur profil se diversifie avec la multiplication des menaces. Si on les estime aujourd’hui à 50 millions de personnes, les prévisions des Nations Unies sont assez alarmantes : d’ici 2050, ce sont 200 millions de personnes qui pourraient être concernées. Beaucoup d’entre elles verraient leur lieu de vie disparaître sous les eaux ou bien être envahi par le désert. Les réfugiés environnementaux quittent en masse et de force leur cadre de vie, pour s’implanter dans un pays autre que le leur, de manière provisoire ou définitive, en raison de l’inhabitabilité de leur cadre de vie détruit ou son environnement modifié de manière sensible entrainant, par exemple la raréfaction des ressources nécessaires à la vie. Ils ont perdu tout lien de rattachement avec l’Etat dont ils sont ressortissants.

2- Les déplacés climatiques :

Les déplacés climatiques ont quitté en masse leur cadre de vie, sous la contrainte, pour des raisons liées au changement climatique (sécheresses, désertification, cyclones, inondations, avancée de la mer), sous la contrainte de phénomènes naturels rendant la vie impossible à vivre. Contrairement aux réfugiés environnementaux stricto sensu, les déplacés climatiques n’ont pas franchi les frontières d’un pays autre que le leur, c’est-à-dire d’un pays tiers. Ils n’ont pas perdu le lien avec leur Etat, qui est cependant inopérant. Le phénomène des déplacés climatiques reste une urgence, si l’on en juge par l’ampleur du phénomène.

Ainsi, dans le monde, entre 2008 et 2012, 143, 9 millions de personnes ont dû quitter leur habitation ; ces personnes se dirigeant de plus en plus souvent vers les villes.

Dans la plupart des cas, la migration reste interne au pays. Le chiffre de réfugiés climatiques, poussé à l’exode à cause de raisons climatiques, est 2 fois plus grand en 2012 qu’en 2011, il est passé de 16,4 millions à 32 millions en 1 an. Déjà en 2008, 36 millions de personnes ont dû quitter leur habitation. Selon l’ONU, « environ 150 millions de réfugiés du climat devraient être déplacés d’ici à 2050 ». Plus de 80 pays sont directement touchés, d’après le rapport de « Global estimates 2010 » publié en mai 2013.

3- Les migrants climatiques :

Les migrants climatiques, ont quitté, seuls ou par petits groupes, pour des raisons liées au changement climatique, leur cadre de vie légèrement modifié ou menacé de graves dégradations lentes et progressives mais dont l’irréversibilité ne fait aucun doute. Les migrants climatiques quittent un Etat, pour s’installer dans un autre État. Contrairement aux réfugiés environnementaux et aux déplacés climatiques, le migrant climatique a quitté volontairement son cadre de vie, à un moment qu’il arrête en toute connaissance de cause, sous l’effet d’aucune contrainte.

B- La définition de la notion de réfugiés environnementaux proposée par Essarn El-Hinnawi.

La notion de réfugiés environnementaux n’est pas juridiquement définie par le droit international. En effet on ne retrouve dans aucun texte du droit international public, une définition juridique de cette catégorie de populations sui generis, au même titre par exemple, que les réfugiés conventionnels ou les handicapés, qui ont un traitement approprié dûment codifié, bien qu’elles aient fait l’objet d’études et de nombreuses publications, aussi bien dans les milieux universitaires, que dans le cadre des organisations internationales, en premier lieu les Nations Unies qui est destinataire d’un rapport périodique de haut niveau du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (G.IEC), le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (H.C.R), le Comité International pour la Croix rouge (C.I.C.R), la Banque mondiale (B.M), le programme des Nations Unies pour l’environnement (P.N.U.E) ou l’Office International des Migrations (O.I.M). Par ailleurs, ces deux dernières organisations ont longtemps œuvré pour porter le débat à l’oreille de la communauté internationale.

En effet l’universitaire-chercheur égyptien et expert auprès du P.N.U.E, Essarn El-Hinnawi, qui a été à l’origine de la notion de « réfugiés environnementaux » parue pour la première fois en 1985 dans un rapport du programme des Nations Unies pour l’Environnement (Essarn El-Hinnawi, Environnemental refugees, PNUE, 1985).

Examinons à présent comment il y définit la notion de « réfugiés environnementaux ».

1- Exposé de la définition :

Selon Essarn El-Hinnawi, les réfugiés environnementaux peuvent être définis comme « des personnes forcées à quitter leur lieu de vie, d’une façon temporaire ou permanente, à cause d’une dégradation de leur environnement, qu’elle soit d’origine humaine ou naturelle, qui bouleverse gravement leur cadre de vie et/ou qui déséquilibre sérieusement leur qualité de vie » .

Suivant cette définition, Essarn El-Hinnawi identifie trois types de réfugiés environnementaux :

(a) les personnes chassées temporairement par une calamité naturelle, comme un tremblement de terre ou une inondation ;

(b) celles qui sont expulsées de façon définitive en raison d’un projet d’aménagement du territoire, ou un projet d’infrastructure, comme des barrages hydroélectriques (le cas en Chine du barrage des trois gorges)

(c) et enfin celles qui sont contraintes à migrer, de façon permanente ou temporaire, parce que les ressources de leur écosystème n’arrivent plus à assurer leurs besoins élémentaires.

2- Une définition objet de controverses :

La définition des réfugiés environnementaux donnée par Essarn El-Hinnawi fait l’objet de controverses. Elle a été jugée trop restrictive et reposerait sur l’observation exclusive des flux migratoires d’origine écologique. En effet, elle semble être marquée par son contexte d’origine, notamment les années 1980 qui ont vu la prolifération du débat écologique dans l’espace public national et international et ne permet pas de rendre compte des différents types de réfugiés environnementaux, ni des déplacements de réfugiés environnementaux dans des espaces intra-étatiques ou interétatiques.

L’Office International pour les Migrations définit le migrant écologique ainsi qu’il suit : « On appelle migrants environnementaux les personnes ou groupes de personnes qui, pour des raisons impérieuses liées à un changement environnemental soudain ou progressif influant négativement sur leur vie ou leurs conditions de vie, sont contraintes de quitter leur foyer habituel ou le quittent de leur propre initiative, temporairement ou définitivement, et qui, de ce fait, se déplacent à l’intérieur de leur pays ou en sortent ».

Cette définition de l’O.I.M présente l’avantage d’être plus complète que celle avancée par Essarn El-Hinnawi, en tant qu’elle englobe les réfugiés environnementaux stricto sensu, les déplacés environnementaux et les migrants climatiques.

Le travail préliminaire de définition de cette notion n’est pas une simple coquetterie de l’exposant. En effet, selon la catégorie de migrants à laquelle on appartient, le régime auquel l’on devrait pouvoir prétendre (nous disons prétendre) varie.

Ceci dit, les réfugiés environnementaux sont-ils protégés par le droit international, savoir la convention de Genève de 1951 sur les réfugiés et son protocole additionnel de 1967, le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme ?

II- Une protection très faible des réfugiés environnementaux par le droit international.

Selon l’auteur du texte soumis et notre examen, les réfugiés environnementaux ne sont point protégés par le droit international, en particulier la convention de Genève sur les réfugiés. Pourquoi ?

A- La convention de Genève de 1951 a perdu toute pertinence sur le sujet des réfugiés environnementaux.

L’article 1er A de la convention de Genève de 1951 définit le réfugié ainsi : « Toute personne craignant avec raison d’être persécutée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte ne veut se réclamer de la protection de ce pays… ». Cette définition du réfugié rend impertinente la convention de Genève de 1951 et de son protocole sur le sujet des réfugiés environnementaux. Autrement dit elle leur est strictement inapplicable.

1- Une inapplicabilité de principe de ladite convention excluant les réfugiés environnementaux de la jouissance des droits reconnus aux réfugiés conventionnels.

En effet, il résulte de l’article 1er A de la convention précitée, que celle-ci qui encadre clairement les conditions et motifs d’accès au statut de réfugié conventionnel ne cite une seule fois le terme de réfugié environnemental.

Les motifs sont limitativement énumérés, à savoir la crainte raisonnable d’une persécution ou d’une menace de persécution en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou des opinions politiques. Les motifs d’ordre général comme l’instabilité politique ou économique ou ceux liés à des catastrophes naturelles, comme la sécheresse, la famine ou les séismes ne sont pas admis, conformément à une jurisprudence aujourd’hui établie [1]

Qui plus est, le demandeur au statut de réfugié doit pouvoir justifier du franchissement d’une frontière, ne se trouvant plus sous l’autorité de l’Etat du pays dont il est ressortissant avec qui aucun lien n’est maintenu. Ce n’est pas généralement le cas des déplacés environnementaux qui se trouvent encore dans leur pays d’origine, bien qu’ayant quitté leur cadre de vie. Le lien avec l’Etat existe toujours, bien qu’il soit inopérant.

Bien mieux, le demandeur au statut de réfugié doit pouvoir également justifier d’une persécution ou de la crainte raisonnable d’une persécution. La soudaine activité d’un volcan, la rupture d’un barrage hydro-électrique entrainant des inondations, une marée noire empoisonnant les eaux, la violence d’un cyclone, l’avancée de la mer rayant ou menaçant de rayer de la carte un pays, une ville ou un village ne constituent pas une persécution au sens de la convention de Genève de 1951. On ne peut pas considérer en effet que les motifs ci-dessus constituent une persécution ou une menace raisonnable d’une persécution, celle devant provenir d’actes délibérés de l’Etat ou d’un groupe social ou politique clairement identifié. La notion de persécution étant entendue comme un « traitement injuste et cruel infligé avec acharnement ». [2]

A la vérité, la convention de Genève de 1951 et son protocole de 1967 sur le statut des réfugiés ne saurait aucunement prendre en charge la problématique des réfugiés environnementaux. Tout d’abord, cette convention est fondée sur une philosophie libérale, essentiellement conçue autour de la protection de l’individu, et non d’une collectivité.

Ensuite, elle est d’interprétation très restrictive par ses acteurs, enfin c’est une convention politisée. Elle est caractérisée par les contingences de la souveraineté des Etats qui ont un droit de regard exclusif à toute autre considération pour accorder ou non le statut de réfugié.C’est donc à juste raison que certains auteurs on pu avancer que la convention de Genève sur les réfugiés serait en crise du fait qu’elle se trouve incapable de prendre en charge la lancinante question des réfugiés environnementaux. Elle gagnerait à être refondue pour s’adapter à l’environnement des relations internationales et aux changements inhérents à notre époque et à l’évolution de l’humanité, après soixante cinq ans d’application. Dans cette attente, les Etats ont trouvé des solutions palliatives aux insuffisances de la convention de Genève sur les réfugiés.

2- La tendance des Etats à se regrouper autour d’initiatives alternatives pour pallier la carence de la convention de Genève de 1951.

Devant l’inertie de la convention de Genève de 1951 inapte à prendre en charge le phénomène des migrants environnementaux, il existe quelques initiatives des Etats au niveau régional ou bilatéral.

a) En Afrique : La convention de l’OUA devenue Union Africaine du 10 Septembre 1969 sur les réfugiés et la convention de Kampala sur la protection et l’assistance aux personnes déplacées en Afrique de 2009 signée en 2012 par 42 Etats en vigueur.

Elle a été à l’initiative des Etats Africains réunis dans le cadre de l’Union Africaine. Cette convention bien interprétée et appliquée permet de conférer le statut de réfugié aux réfugiés environnementaux. En effet, ladite convention donne droit au statut de réfugié : « Toute personne victime d’une agression, d’une occupation extérieure, d’une domination étrangère ou d’événements troublant particulièrement l’ordre public dans une partie ou une totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité » (article 1er alinéa 2).

Cette large définition englobe les situations de guerres civiles et inter-ethniques et permet d’assurer une protection internationale en cas d’afflux massifs de personnes déplacées pour quelque raison que ce soit, notamment pour des raisons climatiques ou environnementales.

Il en est de même des déplacés environnementaux prévus par la convention de Kampala de 2009 qui sont pris en charge. La convention vise toute personne victime entre autre d’une catastrophe naturelle et déplacée comme telle.

b) En Europe : l’initiative Nansen.

L’initiative Nansen, lancée par la Norvège et la Suisse, et dont le représentant et envoyé spécial est Walter Kälin, s’intéresse au phénomène des migrations transfrontalières dues aux désastres naturels liés ou non au changement climatique.

Le groupe des amis de l’initiative, que la France a rejoint, comprend des Etats qui ne font pas partie de l’initiative mais qui souhaitent être tenus informés de ses activités et contribuer à la réflexion. En effet, si les changements climatiques ont un impact grandissant dans de nombreux domaines, on en mesure encore difficilement les conséquences, notamment sur les déplacements de population. L’initiative Nansen vise à mieux comprendre le phénomène et à envisager les réponses adéquates que la communauté internationale pourrait apporter.

B- Le droit international humanitaire reste muet mais le droit international des droits de l’homme confére des droits non dérogeables dont pourraient bénéficier les réfugiés environnementaux et des déplacés climatiques.

Le droit international humanitaire notamment les conventions de Genève de 1949 et ses protocoles additionnels excluent en principe les réfugiés environnementaux de leurs champs d’application. En effet, lesdites conventions sont applicables aux conflits armés, sauf à supposer un concours de circonstances où l’on verrait des réfugiés environnementaux ou des déplacés environnementaux pris pour objectif, dans une zone théâtre d’opérations militaires relatives à un conflit armé ce qui semble être une hypothèse d’école.

Nous songeons également aux résolutions subsidiaires au droit international humanitaire pertinent notamment :

  • La résolution n° 43/131 adoptée par l’ Assemblée générale des Nations unies le 8 décembre 1988, relative à l’assistance humanitaire aux victimes de catastrophes naturelles et aux situations d’urgence du même ordre,
  • La résolution n° 45/100 adoptée par la même assemblée le 14 décembre 1990 relative au même objet.
    Ces textes à tout prendre restent bien insuffisants au regard d’une protection spécifique complète des réfugiés et déplacés environnementaux.

En ce qui concerne les textes internationaux des droits de l’homme, il faut bien reconnaître que les droits non dérogeables sont applicables en toute circonstance de temps et de lieu. En effet bien que la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, par exemple, se préoccupent surtout de la protection de l’individu face à l’arbitraire de l’Etat et qu’ils ignorent la protection collective au titre des catastrophes ou dégradations environnementales, il est juridiquement soutenable que les droits à la vie, le droit à l’égalité et à un traitement non discriminatoire, le droit à la santé, le droit à la sureté et à la sécurité, le droit de ne pas être soumis à la torture ou à des traitements cruels et inhumains, le droit au non refoulement, le droit à un recours effectif peuvent être revendiqués par les réfugiés environnementaux. Les déplacés en principe jouissent de tous les droits prévus par cet instrument, à la seule condition que l’Etat n’oppose pas des exceptions et dérogations fondées sur les situations exceptionnelles troublant l’ordre public.

Le Pacte international sur les droits économiques et sociaux de 1976 reste également applicable aux réfugiés environnementaux, en ses dispositions non dérogeables et contraignantes reconnaissant des droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit à une vie décente et le droit d’être à l’abri de la faim, donc le droit à une alimentation suffisante, le droit à la santé, le droit à un logement décent et le droit à l’éducation, le droit à un environnement sain et le droit au développement. [3]

La conclusion qui en est tirée est qu’en effet, au niveau international, le droit international humanitaire, comme la convention de Genève sur les réfugiés perd toute pertinence et que le droit international des droits de l’homme doit recevoir au moins une application a minima en ce qui concerne le droit contraignant constitué par le noyau des droits non dérogeables auxquels les réfugiés environnementaux doivent pouvoir prétendre à bon droit, en raison des situations exceptionnelles qui inciteront les Etats à mettre en œuvre les procédures de d’exceptions et de dérogations aux droits humains. Il faut bien reconnaitre que généralement, les réfugiés environnementaux n’ont pas acquis le droit d’entrée sur le territoire de « l’Etat d’accueil ».

1- Le droit d’assistance aux victimes de catastrophes naturelles par l’ouverture de couloirs humanitaires du HCR du CICR et de OCHA,des ONG et éventuellement les Etats pour secourir les déplacés environnementaux.

Nous noterons toutefois que devant les insuffisances du droit international humanitaire face aux catastrophes écologiques, le droit international a, assez récemment, tenté d’apporter des solutions ponctuelles aux victimes (migrantes ou non) de certaines catastrophes écologiques par le biais du droit international humanitaire . L’on constate en effet, que depuis le début des années quatre-vingt, des organisations non gouvernementales interviennent sur les lieux de catastrophes écologiques, en proclamant leur « droit d’ingérence humanitaire », sorte de « droit à l’assistance internationale humanitaire » . Dépassant le principe du respect des souverainetés nationales et son corollaire le « droit de non-intervention », ce « droit d’ingérence humanitaire » a posé le socle minimal d’une assistance internationale aux victimes de catastrophes. Ce « droit » d’ingérence a été adopté sous l’impulsion de la France par :

  • Une première Résolution n° 43/131 du 8 décembre 1988 de l’Assemblée Générale des Nations unies qui a fondé les bases de ce droit international humanitaire « moderne . Cette résolution a affirmé le « principe du libre accès aux victimes de catastrophes naturelles et autres situations d’urgence ».
  • Une seconde résolution n° 45/100 du 14 décembre 1990, a créé les couloirs humanitaires afin de permettre le libre acheminement de l’assistance à travers le territoire de l’État sinistré.
    Ces résolutions encouragent les États victimes de catastrophes à faciliter l’acheminement des secours humanitaires (approvisionnement en eaux, vivres, médicaments, campements, etc.).

Enfin, ces résolutions ne vont pas très loin dans leurs exigences puisqu’elles ne proposent qu’une offre de secours que l’État peut accepter ou non selon la situation d’urgence du moment.

2- L’ouverture d’un débat périodique par le Conseil des droits de l’homme sur les droits de l’homme et les changements climatiques.

Le Conseil des droits de l’homme a décidé lors de sa session de juin 2014 dans le cadre de sa résolution 26/27 de tenir chaque année un débat d’une journée « sur des thèmes précis liés à la question des droits de l’homme et des changements climatiques ». Il faut s’en féliciter.

C’est ainsi que la première journée de débats s’est tenue le 6 mars 2015. Elle a porté sur « l’identification des obstacles et des moyens d’aller de l’avant en vue de la réalisation de tous les droits de l’homme pour tous, ainsi que des mesures et des meilleures pratiques que peuvent adopter les États afin de promouvoir et de protéger les droits de l’homme face aux effets néfastes des changements climatiques » et a enregistré la participation de nombreux représentants d’Etats dont le Président de l’Etat de Kiribati, une île située dans le pacifique menacée de disparition par engloutissement dans les eaux. Il est à espérer que cette instance permettra aux Etats de prendre conscience de la nécessaire prise en charge des droits de l’homme, en particulier ceux des réfugiés et déplacés environnementaux.

Conclusion

L’urgence de nécessité absolue à trouver des solutions à ces réfugiés environnementaux, déplacés climatiques explique les initiatives déployées par la communauté internationale constituées pour l’essentiel de mécanismes d’adaptation, dans l’attente de la mise en place à moyen terme d’un statut des réfugiés environnementaux encore en discussion dans les milieux universitaires et de la société civile internationale et dont la gestation difficile est à la hauteur des enjeux et de la complexité du phénomène.

Il faut particulièrement saluer l’intervention du milieu universitaire et de la Recherche en France, notamment l’Université de Limoge qui a joué un rôle pionnier dans la recherche de solution pour un statut des réfugiés environnementaux.

Le gouvernement socialiste encore au pouvoir en France continuera sans doute à persévérer dans la défense de la cause des réfugiés et déplacés environnementaux. Nous osons espérer que cette situation précaire trouvera un début de solution, ce pays ayant reçu mandat d’organiser la prochaine conférence internationale sur le changement climatiques prévue en décembre 2015 (COP 21) et même décidé de l’inscription de la question à l’ordre du jour de ladite conférence.

Il est temps de se pencher sérieusement sur la précarité de la situation des réfugiés et déplacés environnementaux, avant que l’heure ne soit effectivement magistrae vitae.

El hadji Mame GNING Avocat au Barreau du Sénégal[1] Canada : l’affaire Sinnapu c./ Ministre de la citoyenneté et de l’immigration) (1997), 2 CF 791-1ere instance-Dans ce sens, voir le Guide du Haut Commissariat de Nations Unies pour les réfugiés-Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève de 1951 et de son protocole de 1967.

[2] Dans ce sens l’affaire Ione Teitiota c / La Nouvelle Zelande. aurait pu être le premier réfugié environnemental. Originaire des îles Kiribati.lone Teiliota avait fait valoir devant un juge d’Auckland que le réchauffement climatique l’empêchait de retourner dans son pays, régulièrement submergé par l’océan pacifique .La Nouvelle-Zelande où il a fui, a refusé de lui accorder ce statut au motif qu’il n’y avait pas à proprement parler de persécution ni même de crainte fondée de persécution au sens de la convention de Genève de 1951.

[3] Pour le droit à la vie, voir la décision de la Cour Européenne des Droits de l’homme : Budayeva and Others v. Russia- European Court of Human Rights (ECHR), No. 15339/02.La Russie a été condamnée pour n’avoir pas pris des mesures de prévention de risques prévisibles susceptibles d’affecter les droits de l’homme-une coulée de boue-,notamment l’information des populations, l’aménagement du territoire et l’organisation de secours d’urgence.

Sourcehttp://www.village-justice.com/articles/France-Cop21-les-refugies-deplaces,20966.html#Q3tUbWDpWjPARkK0.99