Si le développement des modes alternatifs de règlement des différends (MARD) reste encore limité en juridiction, les 31 futurs juges du siège au tribunal de grande instance et juges d’instance qui prendront leurs fonctions le 1er septembre 2014 ont été sensibilisés à ces dispositifs et à leur importance : tel était l’objectif du module organisé sur ce thème le 1er avril dernier, dans le cadre du pôle Processus de décision et de formalisation de la justice civile. Cette séquence s’inscrivait dans la préparation aux premières fonctions (PPF) de la promotion 2012, qui s’est achevée le 7 mai.
Un fort enjeu pour les juridictions
Invitée à partager son expérience, Isabelle Schmelck, première vice-présidente au TGI de Melun, a rappelé l’enjeu que représentent les MARD pour les juridictions : « ces dispositifs peuvent aider le juge à jouer son rôle de conciliateur et à favoriser la paix sociale, en conduisant les parties vers une reprise de lien et une décision juste et acceptée. Malheureusement, le temps manque aux magistrats : à l’instance, quand un juge prend une audience qui peut avoir 100 dossiers, il ne peut plus concilier, il tranche. Or, les MARD permettent de traiter différemment certains litiges, avec l’aide des conciliateurs et des médiateurs», rappelle-t-elle.
Mais encore faut-il que les professionnels du droit aient reçu l’information nécessaire : « beaucoup de magistrats et d’avocats ne connaissent pas ce qu’est la médiation, ni ses techniques. Par conséquent, les MARD représentent peu de cas de résolution de conflits à l’heure actuelle », observe Fabrice Vert, conseiller à la cour d’appel de Paris et coordonnateur des médiateurs et conciliateurs sur cette cour d’appel, venu échanger avec les auditeurs de justice. Son rôle de coordonnateur consiste justement à diffuser l’information : « par le biais, entre autres, de réunions à destination des magistrats ou des avocats, dans le but d’établir des dispositifs pilotes », explique-t-il.
Des dispositifs expérimentaux à Bordeaux
Le TGI de Bordeaux a notamment mis en place des dispositifs expérimentaux en faveur des MARD. Les futurs juges et juges d’instance de la promotion 2012 ont ainsi accueilli Dominique Receveur, vice-présidente au TGI de Bordeaux en charge du service famille, venue présenter la « double convocation » et la « tentative de médiation préalable obligatoire », testées depuis décembre 2013 sur son ressort.
Le premier dispositif, destiné à tous les dossiers – hors procédure de divorce – consiste à fixer deux dates de convocation aux parties : la première devant un médiateur, pour un entretien gratuit d’information sur la médiation familiale et la seconde devant le juge si, à l’issue du premier rendez-vous, les parties n’ont pas accepté le principe de médiation. Mais les premiers résultats sont encore mitigés : « 78 dossiers sur 208 sont entrés dans le dispositif », note Dominique Receveur, pour qui « un changement de culture est nécessaire ».
Cette expérimentation implique en effet « un gros travail d’information auprès du barreau, pour faire entrer les avocats dans cette démarche et les inciter à accompagner leurs clients vers la médiation », précise-t-elle.
Le deuxième dispositif de « tentative préalable de médiation obligatoire » n’est quant à lui applicable qu’aux instances modificatives. « Les parties sont obligées de se rendre d’elles-mêmes, sans convocation, à un entretien d’information sur la médiation, sous peine d’irrecevabilité de leur dossier », poursuit Dominique Receveur.
Grâce à ces enseignements, les futurs juges TGI et juges d’instance ont été informés sur le cadre procédural de ces dispositifs, sur les critères permettant d’identifier les dossiers susceptibles d’être orientés vers ces modes amiables et sur la façon de développer auprès des parties et de leurs avocats un argumentaire pertinent et convaincant.
« Ces modes alternatifs de règlement des différends peuvent trouver à s’appliquer à des contentieux et des domaines très variés. Ils sont aujourd’hui pleinement d’actualité et incontournables, mais nécessitent un changement de culture des différents acteurs judiciaires.
Aussi, il est essentiel de les présenter dans le cadre de la formation initiale du futur magistrat», conclut Véronique Cadoret. Cette première séquence a vocation à être renouvelée et renforcée pour en faire profiter l’ensemble de la promotion 2014 sur les premiers mois de sa formation bordelaise « afin que, dès le stage juridictionnel, cette promotion puisse être attentive aux expériences conduites dans les juridictions et partager sa réflexion nourrie des échanges organisés en période d’études dans une approche transversale ».
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