Le site du médiateur à la consommation pour la profession d’avocat a été mis en ligne au début du mois de juin. Jérôme Hercé explique quelles seront ses fonctions et comment elles vont s’articuler avec celles des bâtonniers.
La rédaction : Depuis le lancement du site internet, avez-vous déjà eu beaucoup de saisines ?
Jérôme Hercé : Nous avons eu beaucoup de demandes de renseignements et quelques saisines dans les formes, via le formulaire de saisine disponible sur notre site. Comme l’exige le décret n° 2015-1382 du 30 octobre 2015, l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 et la directive 2013/11 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013, la saisine est réservée au seul consommateur. Les confrères ne peuvent donc pas faire appel à moi. Je ne peux pas intervenir non plus si le bâtonnier a déjà été saisi avant moi. D’ailleurs, c’est la première chose qui est demandée au consommateur et à l’avocat. La grande inconnue sera de savoir quel sera le volume de dossiers dont je vais devoir m’occuper.
La rédaction : Quel budget vous a été alloué ?
Jérôme Hercé : En application du décret, le médiateur sectoriel doit bénéficier d’un budget indépendant. Il m’a été alloué un budget de 100 000 € pour l’année, afin d’acquérir du matériel, d’aménager des locaux, éventuellement au sein de mon cabinet secondaire parisien, d’employer du personnel, etc. Pour l’instant, je travaille avec une assistante libérale et en fonction du nombre de demandes, je prévois d’embaucher une à deux personnes. Ce qui reste sera éventuellement pour le médiateur.
La rédaction : Quelles sont les difficultés qui se présentent à vous dans vos nouvelles fonctions ?
Jérôme Hercé : Il y a beaucoup d’incertitudes. Outre celle sur le volume des demandes, on peut se poser la question de savoir si la saisine du Médiateur à la consommation pour la profession suspend la prescription de deux ans prévue par l’article L. 137-2 du code de la consommation, par exemple. Ensuite, si il sera simple de traiter les dossiers traitant seulement du problème de l’honoraire, qu’en sera-t-il pour les dossiers où le client soutient que son avocat a commis une faute ?
En ce qui concerne les éventuelles fautes déontologiques, il est clair, et la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECM) l’a précisé, que cela doit rester de la compétence des ordres. Il n’est pas question d’empiéter sur la souveraineté des Ordres et je ne suis pas un super-bâtonnier. En revanche, s’il est allégué que l’avocat a commis une faute engageant sa responsabilité civile, c’est plus délicat. Très rapidement les courtiers et les assureurs interviennent et le médiateur, qui entre dans la relation entre le client et son avocat n’a plus d’interlocuteur. Il faudra sans doute associer les assureurs à la procédure de médiation en pareil cas.
La rédaction : Quelles sont les questions essentielles qui se posent dans ce type de dossier ?
Jérôme Hercé : En termes de questions concernant seulement les honoraires, deux problèmes principaux se posent. En premier lieu celui de l’incompréhension du public sur les honoraires de l’avocat, car il s’est montré trop discret au début du dossier, et en second lieu, celui de l’avocat dessaisi en cours de procédure, qui facture beaucoup au client lorsqu’il s’en va, à titre de « prestation compensatoire ». Ce qui est frappant, c’est qu’en terme de ratio de saisine du juge de l’honoraire, le chiffre est équivalent à Rouen et à Paris, par exemple, il est de 0,8 saisine par an et par avocat. Avec la mise en place de la convention d’honoraires obligatoire, une partie du contentieux devrait disparaître et si l’on retire les dossiers où le demandeur n’est pas un consommateur mais un professionnel ou une entreprise, le ratio devrait être moindre. Quant à l’issue du dossier, si les parties arrivent à trouver un accord, l’obtention de la formule exécutoire devrait relever de la juridiction de droit commun. S’il n’est pas possible de parvenir un accord, je rendrai un avis et le bâtonnier retrouvera sa compétence pleine et entière.
Lien vers le site du médiateur de la consommation pour la profession d’avocat.