L’article 1244-1 du code civil n’est pas applicable devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale saisie aux fins de paiement des cotisations et contributions sociales instituées par la loi.
Civ. 2e, 16 juin 2016, FS-P+B+I, n° 15-18.390
On sait les relations entre texte général et texte spécial parfois houleuses… Le conflit généré par leur application respective au même conflit trouve sa solution par l’application traditionnelle de l’adagespecialia generalibus derogant permettant de donner priorité au second.
En droit de la sécurité sociale, c’est notamment à l’occasion des demandes en justice de délais de paiement que l’opposition entre le code éponyme et le code civil s’est révélée. La question posée réside dans la possibilité pour un débiteur de cotisations sociales de demander au juge judiciaire de lui accorder un tel délai face aux poursuites de l’organisme de recouvrement. En effet, l’article 1244-1 du code civil permet au juge, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues dans la limite de deux ans.
La réponse de la Cour de cassation sur la possible utilisation de cette disposition par le tribunal des affaires de sécurité sociale est claire. Depuis de nombreuses années, elle se prononce en faveur de la primauté des dispositions du droit spécial.
Il en va ainsi concernant le régime général. Selon l’article R. 243-21 du code de la sécurité sociale, « le directeur de l’organisme chargé du recouvrement des cotisations a la possibilité, après règlement intégral des cotisations ouvrières, d’accorder des sursis à poursuites pour le règlement des cotisations patronales, des pénalités et des majorations de retard ». Il en ressort, pour la Cour régulatrice, une compétence exclusive dudit directeur, et une incompétence du tribunal des affaires de la sécurité sociale, pour accorder des délais de paiement au cotisant (Soc. 3 mars 1994, n° 90-15.524, Bull. civ. V, n° 79 ; 8 oct. 1998, n° 96-22.791, JCP E 1998. 1910, note F. Taquet). Cette position a d’ailleurs été étendue aux garants du cotisant débiteur (Soc. 10 oct. 1996, n° 94-20.887 ; 22 mars 2001, n° 99-18.456). La solution jurisprudentielle s’est poursuivie malgré la réorganisation, en 2003, du contentieux de la sécurité sociale au sein de la juridiction du quai de l’Horloge (Civ. 2e, 29 juin 2004, n° 02-31.106).
L’affaire rapportée ici présentait de fortes similitudes avec les situations déjà jugées. Un professionnel relevant du régime social des indépendants (RSI) y fait l’objet d’une contrainte signifiée par la caisse nationale visant le non-paiement de cotisations et de majorations de retard. Formant opposition à cette dernière, il sollicite notamment, devant le tribunal des affaires de la sécurité sociale, des délais de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil. Le tribunal des affaires de la sécurité sociale rejetant cette demande car il s’estime incompétent, il se pourvoit en cassation.
Par une décision du 16 juin 2016, la deuxième chambre civile confirme la position des juges du fond.
Selon la Cour régulatrice, l’article 1244-1 du code civil n’est pas applicable devant la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale saisie aux fins de paiement des cotisations et contributions sociales instituées par la loi. Dès lors, la compétence d’accorder en la matière des délais de paiement relève de la caisse et non du TASS. Toute demande formée en ce sens devant cette dernière est irrecevable.
Au regard de la jurisprudence susvisée, la décision ne surprend pas. Néanmoins, il convient de souligner l’argument du pourvoi. Celui-ci prétendait qu’aucun texte ne donnant pouvoir au directeur du RSI d’accorder un délai de paiement, le juge était nécessairement compétent pour ce faire.
Force est de constater que l’article R. 243-21 susvisé concerne le régime général de sécurité sociale, et non le régime spécifique des indépendants. D’autres dispositions renvoient néanmoins à ce texte pour les cotisations du travailleur indépendant : elles résultent de l’article R. 133-29-3 du code de la sécurité sociale (anc. art. R. 133-24). Cet article prévoit alors que si le débiteur produit des garanties suffisantes, le directeur de sa caisse d’affiliation a la possibilité d’accorder des sursis à poursuite pour le règlement des cotisations et contributions sociales, des pénalités et des majorations de retard.
L’application, aux affiliés débiteurs du RSI, de la solution antérieurement retenue est donc logique.
par Julien Cortotle 28 juin 2016 | Source : http://www.dalloz-actualite.fr/