La loi constitutionnelle n° 2008-274 du 23 juillet 2008 a introduit la saisine du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) par le justiciable, prévue à l’article 65, avant-dernier alinéa, de la Constitution dont les modalités d’application ont été précisées par la loi organique n°2010-830 du 22 juillet 2010.
Ainsi, depuis le 26 janvier 2011, le justiciable a la possibilité de saisir le CSM sur le fondement de l’article 50-3 de l’ordonnance n 58-1270 du 22 décembre 1958 selon lequel : « tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature ». Aux termes de l’article 43 de la même ordonnance, modifié par la loi de 2010 susvisée, la qualification disciplinaire est entendue comme « [t]out manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité…». Il ne s’agit en aucun cas d’une nouvelle voie de recours permettant de contester la décision juridictionnelle elle-même.
La requête doit remplir plusieurs conditions pour être recevable :
- le justiciable qui dépose la requête doit être concerné par la procédure ;
- le magistrat ne doit plus être saisi de la procédure ;
- la requête doit être présentée avant un délai d’un an à compter de l’irrévocabilité de la décision de justice.
Une Commission d’admission des requêtes vérifie si les conditions de recevabilité sont remplies : seules les requêtes recevables seront examinées. Si la requête est déclarée recevable, la Commission procède à son examen en menant une enquête afin d’obtenir plus d’informations. Lorsqu’elle estime que la plainte n’est pas justifiée, la Commission rend une décision de rejet insusceptible de recours. Dans le cas inverse, elle renvoie l’examen de la requête au conseil de discipline. La décision est notifiée au justiciable ainsi qu’au magistrat concerné, au chef de cour et au garde des Sceaux.
En quatre ans, 1278 dossiers ont été enregistrés dont seulement 29 ont été déclarées recevables.
Sources :
- http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/saisine-du-csm
- http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/files/CSMRapport%202014webfinal.pdf
Références
- Article 65 de la Constitution
« Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
La formation compétente à l’égard des magistrats du siège est présidée par le premier président de la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, un conseiller d’État désigné par le Conseil d’État, un avocat ainsi que six personnalités qualifiées qui n’appartiennent ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. La procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 est applicable aux nominations des personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l’assemblée intéressée.
La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet est présidée par le procureur général près la Cour de cassation. Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les nominations qui concernent les magistrats du parquet.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège statue comme conseil de discipline des magistrats du siège. Elle comprend alors, outre les membres visés au deuxième alinéa, le magistrat du siège appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet donne son avis sur les sanctions disciplinaires qui les concernent. Elle comprend alors, outre les membres visés au troisième alinéa, le magistrat du parquet appartenant à la formation compétente à l’égard des magistrats du siège.
Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République au titre de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le ministre de la justice. La formation plénière comprend trois des cinq magistrats du siège mentionnés au deuxième alinéa, trois des cinq magistrats du parquet mentionnés au troisième alinéa, ainsi que le conseiller d’État, l’avocat et les six personnalités qualifiées mentionnés au deuxième alinéa. Elle est présidée par le premier président de la Cour de cassation, que peut suppléer le procureur général près cette cour.
Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.
Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique.
La loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »
- Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature
Article 43 (modifié par L. orga. n° 2010-830 du 22 juillet 2010 – art. 21)
« Tout manquement par un magistrat aux devoirs de son état, à l’honneur, à la délicatesse ou à la dignité, constitue une faute disciplinaire.
Constitue un des manquements aux devoirs de son état la violation grave et délibérée par un magistrat d’une règle de procédure constituant une garantie essentielle des droits des parties, constatée par une décision de justice devenue définitive.
La faute s’apprécie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l’administration centrale du ministère de la justice compte tenu des obligations qui découlent de sa subordination hiérarchique. »
Article 50-3
« Tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant le comportement adopté par un magistrat du siège dans l’exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature. La saisine du Conseil supérieur de la magistrature ne constitue pas une cause de récusation du magistrat.
La plainte est examinée par une commission d’admission des requêtes composée de membres de la formation compétente à l’égard des magistrats du siège, dans les conditions prévues par l’article 18 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 précitée.
A peine d’irrecevabilité, la plainte :
– ne peut être dirigée contre un magistrat qui demeure saisi de la procédure [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2010-611 DC du 19 juillet 2010] ;
– ne peut être présentée après l’expiration d’un délai d’un an suivant une décision irrévocable mettant fin à la procédure ;
– doit contenir l’indication détaillée des faits et griefs allégués ;
– doit être signée par le justiciable et indiquer son identité, son adresse ainsi que les éléments permettant d’identifier la procédure en cause.
Le président de la commission d’admission des requêtes peut rejeter les plaintes manifestement infondées ou manifestement irrecevables. Lorsque la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur déclare la plainte recevable, elle en informe le magistrat mis en cause.
La commission d’admission des requêtes sollicite du premier président de la cour d’appel ou du président du tribunal supérieur d’appel dont dépend le magistrat mis en cause ses observations et tous éléments d’information utiles. Le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal supérieur d’appel invite le magistrat à lui adresser ses observations. Dans le délai de deux mois de la demande qui lui en est faite par la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur, le premier président de la cour d’appel ou le président du tribunal supérieur d’appel adresse l’ensemble de ces informations et observations au Conseil supérieur de la magistrature, ainsi qu’au garde des sceaux, ministre de la justice.
La commission d’admission des requêtes peut entendre le magistrat mis en cause et, le cas échéant, le justiciable qui a introduit la demande.
Lorsqu’elle estime que les faits sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, la commission d’admission des requêtes du Conseil supérieur renvoie l’examen de la plainte au conseil de discipline.
En cas de rejet de la plainte, les autorités mentionnées aux articles 50-1 et 50-2 conservent la faculté de saisir le Conseil supérieur de la magistrature des faits dénoncés.
Le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour visé au neuvième alinéa du présent article et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont avisés du rejet de la plainte ou de l’engagement de la procédure disciplinaire.
La décision de rejet n’est susceptible d’aucun recours. »