CE 1er juin 2016, req. n° 382490
Si des préjudices nouveaux apparaissent après la consolidation de l’état de santé de la victime d’un dommage corporel, l’expiration du délai de prescription décennale ne fait pas obstacle à leur réparation, a jugé le Conseil d’État dans un arrêt du 1er juin 2016.
Le jeune A. D., âgé alors de treize mois avait été victime d’un accident grave, à la suite d’une vaccination antivariolique en 1964. Le 18 mai 2006, sa mère et curatrice, Mme B., a saisi l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) d’une demande de réparation des préjudices subis par elle et son fils du fait de cette vaccination (alors) obligatoire. Une expertise ayant fixé au 11 février 1981 la date de consolidation de l’état de santé de M. D., le directeur général de l’ONIAM a opposé la prescription quadriennale prévue par la loi du 31 décembre 1968 à la demande d’indemnisation. Le tribunal administratif de Rennes ayant rejeté son recours, Mme B. s’est pourvue en cassation.
Le Conseil d’État commence par préciser que ce n’est pas le délai de prescription quadriennale de la loi de 1968 qui devait s’appliquer mais la prescription décennale de l’article L. 1142-28 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l’article 188 de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé. En effet, cet article 188 prévoit que, lorsqu’aucune décision de justice irrévocable n’a été rendue, l’ONIAM applique la prescription décennale aux demandes d’indemnisation présentées devant lui à compter du 1er janvier 2006. Aucune décision de justice irrévocable n’ayant été rendue dans cette affaire à la date de publication de la loi, c’est bien la prescription décennale qui s’appliquait à la demande présentée en mai 2006.
Et c’est donc bien sur le fondement de l’article L. 1142-28 dans sa version en vigueur actuellement que le Conseil d’État rappelle que « la consolidation de l’état de santé de la victime d’un dommage corporel fait courir le délai de prescription pour l’ensemble des préjudices directement liés au fait générateur qui, à la date à laquelle la consolidation s’est trouvée acquise, présentaient un caractère certain permettant de les évaluer et de les réparer, y compris pour l’avenir ». Mais, ajoute-t-il, « si l’expiration du délai de prescription fait obstacle à l’indemnisation de ces préjudices, elle est sans incidence sur la possibilité d’obtenir réparation de préjudices nouveaux résultant d’une aggravation directement liée au fait générateur du dommage et postérieure à la date de consolidation ». Et « le délai de prescription de l’action tendant à la réparation d’une telle aggravation court à compter de la date à laquelle elle s’est elle-même trouvée consolidée ».
par Marie-Christine de Monteclerle 14 juin 2016