Source : http://www.lefigaro.fr/
Un arrêt de la Cour de cassation, rendu public le 5 janvier, précise que la notion d’ami sur les réseaux sociaux n’a pas la même valeur que l’amitié traditionnelle. Explications.
Un lien d’amitié sur les réseaux sociaux a-t-il la même valeur, la même puissance, qu’un lien d’amitié dans la vraie vie? La justice a tranché: c’est non! Selon un arrêt de la Cour de cassation publié le jeudi 5 janvier dernier, la notion d’«ami» sur les réseaux sociaux n’a pas la même signification qu’un «ami» au sens traditionnel du terme. Cette décision a été rendue après l’examen du dossier impliquant un avocat au barreau de Paris, visé par une procédure disciplinaire dont on ne connaît pas les détails.
L’homme faisait l’objet de poursuites devant le conseil de l’ordre des avocats. Dans ce contexte, il avait saisi la cour d’appel de Paris d’une demande de récusation de six avocats membres de ladite instance arguant notamment qu’ils étaient «des amis sur les réseaux sociaux ainsi que de la plaignante.» Il mettait ainsi en cause leur impartialité dans leur jugement.
C’est en décembre 2015 que la Cour d’appel lui avait donné tort ainsi: «le terme d’ami employé pour désigner les personnes qui acceptent d’entrer en contact par les réseaux sociaux ne renvoie pas à des relations d’amitié au sens traditionnel du terme». Et d’ajouter que les amitiés virtuelles sur le web ne suffisent pas «à caractériser une partialité particulière, le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession.»
Sur son blog, le professeur de droit Bruno Dondero, cité par le journal Le Monde, explique que la justice «aurait pu juger que la relation entre des amis Facebook manifeste une véritable proximité, à la différence du réseau LinkedIn.»
Uniquement un moyen de communication spécifique
«Le réseau social étant simplement un moyen de communication spécifique entre des personnes qui partagent les mêmes centres d’intérêt, et en l’espèce la même profession», souligne de son côté l’avocat au barreau de Paris Thierry Valat. Sur son blog, la professeur de droit Roseline Letteron va encore plus loin. Elle explique notamment qu’en Droit français, l’amitié implique «une connaissance intime, une proximité qu’un réseau social ne peut parvenir à susciter.»
Cette affaire n’est pas la première du genre. En 2014, la cour d’appel de Lyon avait jugé un cas similaire: un plaignant qui dénonçait le lien d’amitié sur Facebook entre son juge et un avocat du camp opposé.
Dans l’Éthique, le philosophe grec Aristote avait dit, il y a déjà plusieurs siècles: «Ce n’est pas un ami que l’ami de tout le monde», peut-on lire. Évidemment, cette citation parle de la «vraie» vie. Mais que penser d’un individu, en 2017, qui a plus de 1500 «amis» sur Facebook? Est-il l’ami de chacun d’entre-eux? Naturellement, non. Les connait-il tous, individuellement? C’est peu probable. La course à l’amitié virtuelle a dénaturé et chamboulé les liens ancestraux qui font les «vrais» amis. Le célèbre proverbe français qui dit que «les amis de nos amis sont nos amis» ne vaut donc que dans la vie réelle et pas derrière un écran.