Par un arrêt du 1er juin 2016, la Cour de cassation apporte plusieurs précisions en matière de crédit immobilier, une matière récemment réformée…
Civ. 1re, 1er juin 2016, F-P+B, n° 15-15.051
Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’arrêt du 1er juin 2016, rendu en matière de crédit immobilier. Nous en avons retenu trois.
Délai de réflexion – La loi impose à l’emprunteur un délai de réflexion d’au moins dix jours, à compter du jour de la réception de l’offre par voie postale, avant d’accepter cette dernière (C. consom., art. L. 312-10, qui deviendra l’art. L. 313-34 à compter du 1er juill. 2016). Si bien qu’il ne peut renvoyer son acceptation, par voie postale, que le onzième jour suivant réception de l’offre. L’article L. 312-10 précise bien que le cachet de la poste fait foi. Il suffit donc au banquier de produire l’enveloppe d’expédition comportant le cachet de la poste pour prouver que l’acceptation de l’offre de prêt immobilier a été donnée dans le respect du délai (pour des exemples de preuve établie par les mentions de l’acte de prêt, v. Civ. 1re, 1er juill. 2015, n° 14-12.432, AJDI 2015. 695 ; 19 févr. 2014, n° 12-25.639, AJDI 2014. 385 ).
En général les banquiers veillent à ce que ce délai soit scrupuleusement respecté. Et pour éviter toute erreur de calcul de l’emprunteur, l’offre de prêt est souvent accompagnée d’un courrier indiquant bien la date à partir de laquelle l’offre signée peut être renvoyée.
Obligation de mise en garde du banquier – L’emprunteur profane peut se prévaloir du manquement du banquier à son obligation de mise en garde en présence d’un crédit excessif au regard de ses facultés contributives. Le risque d’endettement excessif doit être analysé au travers des données fournies par le client, en l’occurrence une fiche de renseignements de solvabilité qui avait été certifiée exacte et signée par les emprunteurs. Le banquier n’a pas à en vérifier l’exactitude en l’absence d’anomalies apparentes de la fiche. Il n’a donc pas à procéder à des comparaisons avec un avis d’impôt sur le revenu qui ferait apparaître une erreur de déclaration de solvabilité imputable à une tierce personne, le cabinet comptable (rappr. Civ. 1re, 25 juin 2009, n° 08-16.434, Dalloz actualité, 2 juill. 2009, obs. V. Avena-Robardet ; D. 2010. 2671, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Gelbard-Le Dauphin . V. égal. Civ. 1re, 30 oct. 2007, n° 06-17.003, D. 2008. 256, obs. V. Avena-Robardet , note E. Bazin ; ibid. 638, chron. P. Chauvin et C. Creton ; RDI 2008. 35, obs. H. Heugas-Darraspen ; RTD com. 2008. 163, obs. D. Legeais ). On sait d’ailleurs que le banquier ne peut voir sa responsabilité engagée pour n’avoir pas rappelé, à l’emprunteur, le principe de bonne foi qui s’impose en matière contractuelle et les conséquences de sa transgression (Civ. 1re, 28 mars 2000, n° 97-18.737, Bull. civ. I, n° 101 ; R., p. 406 ; D. 2000. 574 , note B. Beignier ; RTD civ. 2000. 565, obs. J. Mestre et B. Fages ).
Cet arrêt est l’occasion de souligner la récente réforme du crédit immobilier engagée par l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 et son décret d’application n° 2016-607 du 13 mai 2016, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2016. Le devoir de mise en garde se trouve désormais codifié. L’article L. 313-12 du code de la consommation dispose que, « sans préjudice de l’examen de solvabilité mentionné à l’article L. 313-16, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour lui ». Et les articles L. 341-27, L. 341-31 et L. 341-33 sanctionnent le non-respect de cette disposition par la déchéance du droit aux intérêts, une amende de 30 000 € et des peines complémentaires. L’examen de solvabilité, assez détaillé, se trouve pareillement codifié et sanctionné de la même façon. Ainsi, aux termes de l’article L. 313-16, le crédit ne sera « accordé à l’emprunteur que si le prêteur a pu vérifier que les obligations découlant du contrat de crédit seront vraisemblablement respectées conformément à ce qui est prévu par ce contrat. À cette fin, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur procède à une évaluation rigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur. Cette évaluation prend en compte de manière appropriée les facteurs pertinents permettant d’apprécier la capacité de l’emprunteur à remplir ses obligations définies par le contrat de crédit ». Les articles R. 312-0-4 et suivants du code de la consommation explicitent l’évaluation de la solvabilité qui devra se fonder sur des informations, documentées et conservées par le prêteur tout au long de la durée du crédit, et relatives aux revenus de l’emprunteur, à son épargne et à ses actifs ainsi qu’aux dépenses régulières de celui-ci, à ses dettes et autres engagements financiers. Il est expressément prévu que le prêteur avertisse l’emprunteur de la nécessité de fournir des éléments exacts et complets (C. consom., art. R. 312-0-6). Une obligation qui, toutefois, ne fait l’objet d’aucune sanction expresse. On notera encore que l’article R. 312-0-7 invite le banquier à jouer un rôle plus actif dans l’examen des informations fournies par l’emprunteur : « Lorsqu’en application de l’article L. 313-16 […], le prêteur sollicite les informations et pièces justificatives nécessaires à la vérification de solvabilité, il indique les délais dans lesquels ces éléments doivent lui être fournis. Il peut, en tant que de besoin, demander des précisions sur les informations reçues en réponse à sa demande ».
Prêt à taux variable – L’article L. 312-14-2 du code de la consommation (qui deviendra l’art. L. 313-46) oblige le prêteur, s’agissant de prêts dont le taux d’intérêt est variable, à porter à la connaissance de l’emprunteur, une fois par an, le montant du capital restant à rembourser. Aucune sanction n’est prévue en cas de méconnaissance de cette obligation. La déchéance du droit des intérêts est donc exclue. En revanche, l’emprunteur est en droit d’agir sur le terrain de la responsabilité contractuelle pour obtenir, si un préjudice est établi, l’allocation de dommages-intérêts. Ce que confirme en l’espèce la Cour de cassation.
Si les nouvelles dispositions qui entreront en application le 1er juillet 2016, envisagent la déchéance du droit aux intérêts aux termes de l’article L. 341-45 du code de la consommation, ce n’est qu’en cas de modification du taux débiteur.
par Valérie Avena-Robardetle 14 juin 2016