Le premier président de la cour d’appel étant nommé pour exercer exclusivement ces fonctions, seule la cour d’appel peut connaître d’une demande de récusation formée à son encontre au titre de l’exercice de ses fonctions, ce, peu important qu’il soit nommé à la Cour de cassation pour des raisons statutaires.
Civ. 2e, 26 mai 2016, F-P+B, nos 16-01.602 à 16-01.604
Aux termes de l’article 341 du code de procédure civile, la récusation d’un juge est admise pour les causes prévues par l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire. Les étapes de la procédure sont ensuite précisément détaillées par le code de procédure civile. D’abord, la demande de récusation est formée par acte remis au secrétariat de la juridiction à laquelle appartient le juge ou par une déclaration qui est consignée par le secrétaire dans un procès-verbal (C. pr. civ., art. 344). Ensuite, cette demande est transmise au juge visé qui doit s’abstenir de juger et faire connaître, par écrit, soit son acquiescement à la récusation, soit les motifs de son refus (C. pr. civ., art. 347). Dans ce dernier cas, il résulte de l’article 349 du même code que la demande de récusation doit être jugée sans délai par la cour d’appel ou, si elle est dirigée contre un assesseur d’une juridiction échevinale, par le président de cette juridiction qui se prononce sans appel. C’est donc la cour d’appel qui est compétente pour connaître d’une demande de récusation en cas de refus du juge visé d’y acquiescer. À cet égard, la Cour de cassation a déjà précisé que seule la cour d’appel est compétente pour apprécier la recevabilité et le bien-fondé de la demande de récusation (V. Soc. 21 janv. 2009, n° 08-60.400, Bull. civ. V, n° 20) que la récusation vise un membre d’une juridiction du premier degré ou un conseiller de cour d’appel (V. Civ. 2e, 28 juin 2001, n° 97-20.729, Bull. civ. II, n° 126 ; D. 2001. 2361 , excluant la compétence du premier président de la cour d’appel). Partant, la requête tendant au renvoi pour cause de récusation dirigée contre l’un des conseillers d’une cour d’appel ressortit à la compétence de cette juridiction et est, dès lors, irrecevable devant la Cour de cassation (V. Civ. 2e, 8 juill. 1999, n° 99-01.074, Bull. civ. II, n° 133). Il en est autrement uniquement lorsque la demande de récusation vise un conseiller de la Cour de cassation. Dans ce cas, la compétence de la cour d’appel s’efface puisque l’incident relèvera d’une chambre de la Cour de cassation désignée par le premier président (C. pr. civ., art. 1027).
Une difficulté apparaît toutefois lorsque c’est le président d’une cour d’appel qui est visé par la demande de récusation. La cour d’appel est-elle toujours compétente pour en connaître ?
C’est à cette question que répond la décision commentée. En l’occurrence, la cour d’appel de Rouen a ordonné la transmission à la Cour de cassation de trois requêtes tendant à la récusation du premier président de la cour d’appel. La cour d’appel a pour cela estimé que, si la requête en récusation dirigée contre l’un des conseillers de la cour d’appel ressortit à la compétence de la cour d’appel, ce n’était pas le cas de la requête en récusation du premier président de la cour d’appel qui, ainsi que le précise l’article 37 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, est un magistrat hors hiérarchie de la Cour de cassation qui exerce la fonction de premier président. Au visa de l’article 349 du code de procédure civile, la Cour de cassation lui répond que le premier président de la cour d’appel est nommé pour exercer exclusivement ces fonctions, de sorte que seule la cour d’appel peut connaître d’une demande de récusation formée à son encontre au titre de l’exercice de ses fonctions, ce, peu important qu’il soit nommé à la Cour de cassation pour des raisons statutaires. Elle en conclut que l’examen de la requête dirigée contre le premier président de la cour d’appel relève de la cour d’appel de Rouen et non de la Cour de cassation.
La Cour de cassation reproche à la cour d’appel de s’être fondée sur le statut du président de la cour d’appel pour transmettre la connaissance de la demande de récusation à la Cour de cassation. Il est vrai que, statutairement, le président de la cour d’appel est un magistrat hors hiérarchie « du siège de la Cour de cassation » (ord. n° 58-1270, 22 déc. 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, art. 37) mais ce n’est pas au regard de ce statut qu’il convient de déterminer la compétence de la juridiction apte à connaître d’une demande de récusation qui le visait. Pour la Cour de cassation, ce sont les fonctions qu’il exerce qui doivent prédominer. La demande de récusation ayant été formée au titre de ses fonctions de président de la cour d’appel, elle ne pouvait être transmise à la Cour de cassation. En se prononçant en ce sens, la décision rapportée démontre que la cour d’appel est dotée en la matière d’une compétence de principe à laquelle il n’est dérogé que dans des cas bien particuliers.
par Mehdi Kebir le 13 juin 2016
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