L’entrée en vigueur du décret Magendie le 1er janvier 2011 est de peu antérieure à celle de l’arrêté du 30 mars 2011 relatif à la communication par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire devant les cours d’appel.
L’article 906, issu du décret Magendie dispose que :
« Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l’avocat de chacune des parties à celui de l’autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l’être à tous les avocats constitués.
Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification ».
Par deux arrêts du 24 septembre 2015 (pourvois n° 14-20.212 et 13-28.017), la Cour de cassation a précisé les contours de cette disposition et de sa combinaison avec les dispositions de l’arrêté du 30 mars 2011.
Ainsi, dans la première affaire (pourvoi n°14-20.212), l’avocat postulant devant la Cour d’appel avait envoyé un message RPVA[1] au greffe de la Cour d’appel, message auquel était joint le fichier correspondant aux conclusions d’appelant ; cependant, faute d’avoir précisé le numéro de rôle attribué au dossier, le greffe avait adressé un message de refus à cet avocat.
Un pourvoi a été formé contre l’ordonnance ayant prononcé la caducité de l’appel ; la Cour de cassation a heureusement donné une suite favorable au pourvoi ainsi formé en limitant les obligations liées à la signification par RPVA à l’envoi effectif d’un message auquel sont jointes les conclusions d’appelant.
Imposer l’acceptation des conclusions par le greffe, i.e. l’absence de message de refus en retour, conduisait en effet à ajouter à la lettre du texte.
La sévérité de l’ordonnance du Conseiller de la mise en état a été, à raison, sanctionnée par la cassation.
Dans la deuxième affaire (pourvoi n° 13-28.017), la Cour de cassation fait preuve de rigueur dans l’application, à la lettre, des dispositions combinées du Code de procédure civile et de l’arrêté du 30 mars 2011.
L’avocat postulant devant la Cour d’appel avait en effet envoyé ses conclusions, par message RPVA, aux parties adverses directement, omettant en revanche de les adresser au greffe pour leur signification. N’ayant pas régularisé ses conclusions auprès du greffe avant le délai de trois mois, le Conseiller de la mise en état prononce la caducité de l’appel.
Tentant de combattre cette caducité, le pourvoi formé invoque tour à tour (i) l’existence d’un simple vice de forme et l’absence de grief en résultant, puis (ii) la méconnaissance de l’article 6 paragraphe 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« CEDH »), motif pris notamment de ce que la sanction de caducité serait disproportionnée au but de célérité poursuivi par le décret Magendie.
Dans son arrêt du 24 septembre 2015, la Cour de cassation balaye les deux arguments de manière très nette :
– concernant l’existence d’un vice de forme mais l’absence de grief, la Cour de cassation énonce que la question de la caducité ne se pose pas en termes de « vice de forme » mais de respect des dispositions relatives aux délais et formes de signification au greffe des conclusions d’appelant ;
– concernant l’article 6 paragraphe 1 de la CEDH, la Cour de cassation rappelle que la caducité est une sanction proportionnée devant permettre « d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel ».
Ce faisant, la Cour de cassation confirme la caducité de l’appel et rejette le pourvoi formé contre l’ordonnance du Conseiller de la mise en état.
Ces deux arrêts permettent ainsi de mieux comprendre où la Cour de cassation place le curseur de la rigueur du respect des délais et des textes, devant se lire comme une aide aux bonnes pratiques en matière d’appel.
L’application stricte des dispositions du décret Magendie peut avoir des conséquences importantes et irréparables ; elle justifie donc la plus grande prudence lors de la signification des conclusions d’appelant (d’intimé(s) avec appel incident ou d’appelant en réponse à un appel incident).
Même si le temps file à toute allure et oblige parfois certains confrères à signifier des conclusions à la dernière minute, mieux vaut peut-être signifier les conclusions quelques jours avant l’expiration du délai de trois mois. Cela devrait permettre, en cas de besoin, une seconde signification des conclusions au greffe et ainsi limiter le risque de caducité.