Le 06 Décembre 2012, le Président de la République a créé la commission nationale chargée de la réforme foncière en vertu du décret numéro 2012- 1419. Aux termes de son article 2, elle a pour missions :
« de conduire toutes les études et recherches relatives à l’occupation du domaine de l’Etat et du domaine national ; »
« d’analyser les textes législatifs et réglementaires en vigueur et de faire des propositions de modification ; »
« d’identifier les contraintes et de mettre en place un cadre juridique et institutionnel attractif, offrant des garanties aux investisseurs et assurant la sécurité et la paix sociale, en vue d’une gestion rationnelle du domaine de l’Etat et du domaine national ; »
« de proposer des solutions durables aux conflits fonciers résultant de l’occupation des domaines susvisés ; »
« de proposer des mesures de mise en œuvre pour l’application de la loi 2011 – 07 du 30 Mars 2011 portant régime de la propriété foncière portant transformation des permis et autorisations d’occuper en titres fonciers ; » ici, la loi 2011 – 06 du 30 Mars 2011 est aussi visée puisque c’est elle qui a transformé les permis d’habiter et titres similaires en titres fonciers mais son libellé n’a pas été mentionné.
« et plus généralement, d’exécuter toutes missions qui lui sont confiées par le Président de la République. »
C’est une initiative politique qu’il convient de saluer comme heureuse mais le décret initial n’avait pas prévu la représentation de la société civile. Elle ne s’est faite qu’après une campagne de celle-ci pour la réclamer, estimant qu’elle le mérite compte tenu du travail qu’elle a effectué sur le terrain. Le Conseil National de Concertation et de Coopération des Ruraux (C.N.C.R) et le Conseil des Organisations Non Gouvernementales (CONGAD) ont été alors cooptés par le Président de la Commission. Ce qui ne fait d’aucun d’entre eux, ni un membre permanent (ce qu’ils auraient dû être), ni un membre à titre consultatif. Maintenant, aux membres de la Commission d’être à la hauteur des enjeux qui sont énormes ! Car il faut bien admettre que dans notre pays se sont toujours côtoyés ou s’affrontent encore plusieurs droits fonciers, témoignages de la diversité de son peuplement. Que tant dans l’interprétation du droit foncier actuel que dans les tentatives de solution de certains conflits par la règlementation, l’Administration des Domaines en particulier n’a pas toujours fait montre de neutralité.
Qu’enfin, d’après une étude de l’ONG CICODEV – AFRICA datée de 2011 (1), au moins 657 753 hectares soit 16,45% des surfaces cultivables au Sénégal ont déjà été attribués à dix-sept privés dont dix nationaux, ce qui signifie que la question de l’accaparement des terres s’est invitée aux débats.
Le Droit des Biens (Droit Foncier pour d’autres) est principalement concerné par les missions confiées à la commission. Or, nous remarquons très souvent que beaucoup confondent des notions comme « immeuble », «droit de propriété immobilière», « droit d’usage », «droit réel immobilier », « inscription », « publicité » ce qui s’est traduit par une rédaction très approximative de telle loi ou de tel décret. Voire par une formulation inappropriée de certaines revendications ou propositions de solution. Or, « la notion est un moyen par lequel les juristes appréhendent des faits en vue de déterminer quelles règles de droit leur sont applicables : la notion permet de qualifier des faits, c’est-à-dire de les faire rentrer dans une catégorie connue et répertoriée à laquelle ces faits paraissent correspondre et, en conséquence, de leur déclarer applicable le régime juridique établi pour cette catégorie. Ainsi la notion est l’outil qui permet d’opérer des qualifications en vue de procéder à l’imputation de régimes juridiques déterminés »(2).C’est pourquoi, il est utile de rappeler que l’article 544 du Code Civil français, encore applicable au Sénégal, définit la propriété comme « le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu que l’on en fasse pas un usage prohibé par les lois et règlements ». Par conséquent, Trigeaud a pu écrire que le droit de propriété recouvre « les utilités auxquelles il s’applique ; il recouvre l’ensemble des prérogatives permettant au bien approprié de remplir un service concret »(3). L’immeuble, c’est la terre ou une chose incorporée à la terre. C’est un bien qui par sa nature ne peut pas être déplacé. Immobilier se rapporte à tout ce qui a le caractère d’un immeuble ainsi que tout ce qui concerne les immeubles. Aussi, le droit d’usage d’un immeuble est la prérogative reconnue à son titulaire de lui faire rendre un service déterminé mais licite.
Le droit réel est un droit qui porte directement sur une chose. Le droit réel immobilier est un droit qui porte directement sur un immeuble et procure à son titulaire tout ou partie de son utilité économique. Il est opposable à tous et permet d’exercer sur cet immeuble un pouvoir. C’est pour cette raison que les droits réels immobiliers, toujours limitativement énumérés, sont considérés comme un immeuble et peuvent notamment faire l’objet d’une ou de plusieurs hypothèques.
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