L’avocat général Szpunar estime que le prêt d’un livre numérique entraîne l’application du régime général du droit de prêt, prévoyant notamment une rémunération équitable des auteurs au titre de l’exception pour prêt public.
Une directive de l’Union de 2006 concernant notamment le droit de location et de prêt des livres prévoit que le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire des tels locations et prêts appartient à l’auteur de l’œuvre. Les Etats membres peuvent toutefois déroger à ce droit exclusif pour les prêts publics, à condition que les auteurs au moins obtiennent une rémunération équitable.
Une association regroupant toutes les bibliothèques publiques aux Pays-Bas est d’avis que ce régime devrait s’appliquer également au prêt numérique, car actuellement le prêt de livres numériques par les bibliothèques publiques ne relève pas de ce régime.
Le recours de l’association concernait les prêts organisés selon le modèle « one copy one user ». Le livre numérique dont dispose la bibliothèque est téléchargé par l’utilisateur pour la durée du prêt, mais n’est pas accessible à d’autres usagers de la bibliothèque pendant toute cette durée. À l’expiration de cette période, le livre devient automatiquement inutilisable pour l’usager concerné et peut alors être emprunté par un autre usager.
L’association a assigné en justice une fondation chargée de la collecte de la rémunération due aux auteurs, afin d’obtenir un jugement déclaratoire en ce sens.
Saisi du litige, le Rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye, Pays-Bas) a soumis plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
Le 16 juin 2016, dans ses conclusions générales, l’avocat général près la CJUE, Maciej Szpunar, a estimé que la mise à disposition du public, pour un temps limité, de livres numériques par les bibliothèques publiques peut effectivement relever de la directive sur le droit de location et de prêt.
Il ajoute que le législateur de l’Union n’a pas envisagé d’inclure le prêt de livres numériques dans la notion de « prêt » figurant dans la directive, parce que la technologie des livres numériques commercialement exploitable n’en était alors qu’à ses débuts.
Il a ajouté que si le prêt numérique était considéré comme relevant de la directive, les auteurs recevraient de ce fait une rémunération équitable, qui s’ajouterait à celle provenant de la vente des livres et qui serait indépendante des contrats conclus avec les éditeurs.
Enfin, il a conclut qu’en introduisant l’exception pour prêt public des livres numériques, les Etats membres peuvent exiger que ces livres soient au préalable mis à la disposition du public par le titulaire du droit ou avec son consentement et qu’ils proviennent de sources licites.
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