Allocution de Maître Papa Laïty NDIAYE, Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Sénégal
M. Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice,
M. Le Vice-Président de la Cour de Justice,
Mmes, MM les Juges de la Cour de Justice,
Mmes Mm les Magistrats,
Mmes MM les avocats, Chers Confrères,
Le Forum qui nous réunit aujourd’hui est de la plus haute importance et pour le démontrer, il me suffira de rappeler à quel point l’adage selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » est une pure fiction. Rien, en effet, n’est plus méconnu que la loi, les lois.
La Cour de Justice de la CEDEAO, qui est une institution essentielle au sein de la CEDEAO n’échappe pas à cette réalité.
Elle joue pourtant un rôle très important dans l’élimination des obstacles à l’intégration, notamment par le biais de la mission qui lui est conférée de contrôler l’exécution de leurs engagements, par les Etats membres.
L’évolution de la Cour en a fait, au-delà des Etats membres, une Cour des Peuples, à travers l’article 9-4 qui lui a donné compétence pour connaitre des violations des droits de l’homme, dans les Etats membres.
Cette compétence a fait de la Cour un organe important de régulation, dans le cadre de la consolidation de l’Etat de Droit et de la démocratie dans les Etats membres.
Au Sénégal, la notoriété de la Cour de Justice s’est bâtie autour des affaires Hissène Habré, Karim WADE, Khalifa SALL pour ne citer que les plus médiatisées, car il y en a bien d’autres ;
Cette Cour est devenue un organe de l’espoir pour les justiciables, notamment lorsque les mécanismes internes ne donnent pas satisfaction, la référence à la Cour de Justice de la CEDEAO devenant de plus en plus usuelle pour le sénégalais moyen, lorsqu’il évoque des violations de l’Etat de Droit.
« Nous allons porter l’affaire à la CEDEAO » est devenu un slogan pour tous ceux qui sont à la recherche d’une justice sociale, ou porteurs d’une revendication politique.
C’est dire à quel point cette visite de la Cour de Justice de la CEDEAO dans notre pays peut être porteuse d’enseignements et permettre aux sénégalais de mieux appréhender la place et le rôle de ladite Cour.
L’originalité de votre institution réside dans le fait que sur des questions nodales, elle est en avance sur bien d’autres institutions similaires de par le monde.
Je veux parler d’abord de l’ouverture dans les instruments servant de base à la constatation des violations de droit de l’homme.
La Cour accepte en effet de se référer à tous les instruments pertinents en matière de droits de l’homme.
Une autre marque de cette originalité réside surtout dans la non-exigence de la règle de l’épuisement des voies de recours internes.
Ainsi, le plaideur n’a pas besoin d’attendre l’issue des procédures étatiques internes pour porter son recours devant votre institution, ce qui n’est pas le cas devant les autres cours de droits de l’homme, puisque la victime doit parfois franchir l’écueil de plusieurs années de procédures internes avant de pouvoir, par exemple, présenter son recours devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
Nos chefs d’Etats, certainement conscients du rôle majeur que peut jouer la Cour dans le processus d’intégration des Etats de la CEDEAO, ont, pour ainsi dire, fait sauter ce verrou.
Il est vrai, par ailleurs, que les mécanismes internes de recours offrent souvent plus de garantie que dans nos Etats.
La Cour pourra donc jouer un rôle important dans l’élimination des inégalités démocratiques, à travers l’érection d’un statut uniforme de la situation de l’Etat de Droit et de la démocratie.
Nos barreaux, dont la mission première est de porter ces droits de l’homme dont la sanction des violations vous incombe, ont un rôle essentiel à jouer auprès de la Cour.
Il est vrai que la défense devant la Cour n’est pas un monopole pour les avocats, mais il est important de relever que l’implication des avocats ne pourra que vous faciliter la tâche, non seulement par leur professionnalisme, mais aussi et surtout parce que la défense est, avant tout, une affaire d’avocats.
Les échanges avec la Cour ne pourront qu’être bénéfiques à nos institutions respectives.
D’ailleurs, un de nos membres, a déjà siégé comme juge, membre de votre Cour.
Nous sommes également conscients que bien que les décisions rendues par la Cour soient directement exécutoires dans les Etats membres, les gouvernements ne sont pas toujours coopératifs dans la mise en œuvre desdites décisions.
Au Sénégal, par exemple, le Gouvernement a fait fi de la décision rendue par votre juridiction dans l’affaire Cheikh Tidiane SY, en maintenant l’interdiction de sortie du territoire national à l’encontre de plusieurs responsables de l’ancien régime.
Après la présente mission de la Cour dans notre pays, nous osons espérer que ce genre de résistance ne se reproduira plus mais également et surtout que, nous pourrons accueillir un jour, des audiences décentralisées de la Cour de justice de la CEDEAO.
Je vous souhaite la bienvenue en terre sénégalaise, malgré le temps inclément, plein succès à nos travaux et vous remercie de votre attention.
Monsieur le Bâtonnier Papa Laïty NDIAYE