À l’arrêt depuis un an à cause de divergences financières entre l’État et le constructeur Saudi Bin Laden Group, le chantier de l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass a été repris sur les chapeaux de roue par le groupe turc Summa-Limak, qui s’est engagé à finaliser les travaux en huit mois.
Entamés en 2007, les travaux de construction de l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass étaient aux arrêts depuis un an. Le processus de réalisation de ce chef d’œuvre architectural qui va révolutionner le secteur aéroportuaire du Sénégal voire de la sous-région a connu des hauts et des bas. En 2015, l’ouvrage était presque aux arrêts du fait que Saudi Bin Laden Group (Sbg), passant une convention de concession et de gestion de cet aéroport avec l’État, avait posé sur la table une réclamation de 64 milliards de F Cfa au Sénégal. L’État avait refusé de libérer ce montant. Selon le directeur général de l’Aibd, Abdoulaye Mbodj, il a fallu une forte implication des autorités, au plus haut niveau, notamment le président de la République, pour voir la situation se décanter. Sbg ne pouvant plus continuer les travaux, faute de ressources financières, a décidé de les sous-traiter au groupe turc Summa-Limak qui a ainsi accepté de les terminer en huit mois avec le reliquat financier du marché. « C’est une aubaine pour le Sénégal », estime-t-il. Sbg reste, toutefois, l’entrepreneur principal « car il ne s’agit pas d’une résiliation, mais plutôt d’une sous-traitance », précise Abdoulaye Mbodj. S’agissant des 15% nécessaires pour la finition des travaux, le directeur général de l’Aibd souligne que l’État attend un décaissement des bailleurs de fonds pour payer Summa-Limak qui a déjà repris les travaux. « Nous attendons l’avant-dernier décaissement des bailleurs. La procédure est d’ailleurs entamée », affirme-t-il.
Une nouvelle convention de concession
La nouvelle convention de concession serait tout aussi avantageuse pour le Sénégal, car « prévoyant une part de 34 % dans le capital de la société de gestion qui sera créée, une rétrocession de 20 % des revenus bruts, en plus de l’assistance technique et la reprise de l’ensemble des travailleurs », a relevé le directeur général de l’Aibd. Pour lui, ce contrat avec le groupe Summa-Limak est « d’un avantage incommensurable pour l’État du Sénégal ». Il se félicite d’ailleurs du fait que les Turcs acceptent de prendre en charge la maintenance lourde, alors que Daport l’avait refusée.
« Nous passerons de 3 à 5 millions de passagers, il va falloir agrandir l’aérogare. Summa-Limak accepte de faire les investissements nécessaires le moment venu tout en continuant la gestion », informe Abdoulaye Mbodj. La nouvelle convention de concession accepte de changer les équipements de l’aéroport chaque fois que c’est nécessaire. « Nous allons faire en sorte que ce niveau de service soit maintenu », assure-t-il. D’une durée de 25 ans, le contrat prévoit aussi une clause de revoyure tous les trois ans.
Un aéroport sûr et performant
Le responsable de la mission de contrôle de Studi international, Mongi Houcine a insisté sur la qualité des travaux de l’Aibd. Selon lui, les problèmes rencontrés par Saudi Bin Laden Group (Sbg) dans ce projet sont d’ordre financier et non technique. « Nous avons assuré un contrôle très rigoureux, essayé des équipements et des procédures qui sont conformes aux standard.
Ce qui est sûr, c’est que l’Aibd sera conforme aux standard internationaux et sa piste sera parmi celles des plus sûres et performantes en Afrique », a-t-il fait savoir. Selon M. Houcine, l’aéroport est équipé d’un ensemble d’équipements de navigation aérienne d’exploitation de haute performance et de niveau très élevé. L’Aibd sera aussi équipé d’un radar météorologique, d’un radar au sol et d’un radar d’approche. « Nous sommes heureux de cette sous-traitance avec Summa-Limak qui a une expertise avérée en exportation d’aéroports. Aujourd’hui, il ne reste que l’installation des équipements et quelques travaux de finition. Le groupe s’est engagé à terminer les travaux en huit mois et on lui a demandé de maintenir le même niveau de qualité », a-t-il indiqué.
Un gros défi à relever pour Summa-Limak
Finir l’aéroport en 8 mois et assurer la mise en service pendant 25 ans. Tel est l’engagement du groupe Summa-Limak qui a pris le relais de Saudi Bin Laden Group (Sbg) pour l’achèvement des travaux de l’Aibd. Selim Erkal, directeur du projet du groupe est clair : les délais seront respectés. « Nous allons travailler 7j/7 et 24 h/24 parce que le délai est contraignant et nous avons l’obligation de le respecter comme nous l’avons toujours fait ». Summa-Limak qui a une très grande expérience en exportation d’aéroports est assuré de terminer les travaux après avoir reçu l’avance de démarrage. « Nous n’avons pas encore reçu cette avance, mais nous avons déjà déployé 300 travailleurs sur le site. Dès la réception de l’avance de démarrage, 600 autres travailleurs vont arriver en complément des 300 pour accélérer les travaux », indique-t-il. « Summa-Limak a l’habitude de respecter les délais. Si nous disons que nous allons terminer les travaux en 8 mois, nous le ferons parce que nous sommes habitués à relever les défis », soutient-il. Pour M. Erkal, le Sénégal dispose, avec son aéroport, d’un grand potentiel qui lui permet de réaliser un véritable hub dans la sous-région.
La bataille du hub aérien sous-régional bientôt gagnée
La construction des autoroutes Aibd-Mbour, Aibd-Thiès et d’une certaine mesure l’autoroute « Ila Touba », adossée à l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass, permettra au Sénégal de gagner la bataille du hub aérien sous-régional. Le directeur général de l’Aibd, Abdoulaye Mbodj considère cet aéroport comme le « futur poumon économique du Sénégal ».
L’autoroute Aibd-Mbour et celle d’Aibd-Thiès auront un impact économique majeur sur le fonctionnement de l’Aibd de Diass. C’est l’avis du directeur général de cet aéroport, Abdoulaye Mbodj qui considère l’Aibd de Diass comme le « futur poumon économique du Sénégal ». « Le triangle Dakar-Thiès-Mbour sera, dans un avenir proche, le fleuron économique de notre pays », déclare-t-il. M. Mbodj se réjouit de l’arsenal d’artères qui est en train de se dessiner autour de l’infrastructure aéroportuaire. « Grâce à l’autoroute Dakar-Diamniadio-Aibd, nous serons à 30 minutes de Dakar », apprécie-t-il. Abdoulaye Mbodj estime aussi qu’à partir de l’Aibd de Diass, l’autoroute Aibd-Mbour permettra de drainer des touristes de l’Aibd vers la station de Saly Portudal. « À partir de l’Aibd, nous pouvons rallier Touba ainsi que d’autres villes du pays par l’autoroute « Ila Touba », dit-il. À cela s’ajoutera le train express régional (Ter) dont la construction va démarrer cette année. Le Ter reliera Dakar à Aibd. À son avis, cette politique de réalisation d’infrastructures va décongestionner Dakar, mais également permettre une reconfiguration de l’aménagement du pays. L’objectif à l’horizon, fait-il remarquer, c’est de mailler les différents pôles économiques par la route, les rails et les airs. « Je pense que nous pouvons gagner facilement cette bataille du hub aérien. C’est pourquoi, il semble urgent de terminer cet aéroport qui va complètement révolutionner toute l’économie de notre pays et celle de la sous-région », estime le directeur général de l’Aibd. Sa conviction est que l’Aibd de Diass occupe une place capitale dans le dispositif du Plan Sénégal émergent (Pse). Il partage l’avis selon lequel l’Aibd constitue la « plateforme orbitale » de l’émergence économique du Sénégal. « Toutes les autoroutes convergent vers Aibd », apprécie-t-il. À cela s’ajoutent les zones économiques comme le Pôle urbain de Diamniadio, la zone économique spéciale intégrée de Dakar (Disez) adossée à l’Aibd. Ces zones faciliteront, selon lui, l’installation de plusieurs entreprises et favoriseront la création de milliers d’emplois. Aussi, espère-t-il, l’émergence de ces zones économiques va booster les exportations du pays. Pour M. Mbodj, l’Aibd relancera certainement le tourisme, un des secteurs les plus performants en matière d’entrée de devises. L’objectif, a-t-il poursuivi, « c’est de faire en sorte que ce secteur retrouve son lustre d’antan », saluant ainsi les efforts du gouvernement pour la relance du tourisme à travers le pays notamment en Casamance. « C’est tout un chantier du Pse qui est en train de prendre son envol à partir de cette plateforme aéroportuaire », admet le directeur général de l’Aibd.
Le transfert prévu au premier semestre de 2017
L’essentiel des travaux qui relèvent de la finition et des équipements de navigation aérienne seront réalisés dans huit mois. Le délai de réalisation des travaux court à partir du moment où le groupe Summa-Limak aura reçu son avance. Pour Abdoulaye Mbodj, le chantier sera achevé en janvier 2017. Mais pour le transfert de l’aéroport Léopold Sédar Senghor vers l’Aibd, ce délai pourrait aller de quatre à six mois. M. Mbodj note que ce transfert se fera au plus tard au premier semestre de 2017 et que l’ouverture de l’Aibd sera, quant à elle, « évolutive ».
Aujourd’hui, malgré l’arrêt des travaux, le projet affiche un taux d’exécution physique de plus de 85 %. Le constat sur le chantier est qu’une bonne partie des infrastructures est réalisée ou en cours de finition, notamment la piste d’atterrissage, l’aire de stationnement, le parking avions, l’aérogare, la tour de contrôle, les voies d’accès, le pavillon présidentiel. Cet aéroport, équipé d’une piste principale de 3500 m de long sur 75 m de large, aura l’avantage d’accueillir tous types d’avions dont le Boeing 747 et l’Airbus A 380. Avec une tour de contrôle de 50 m de hauteur, une aérogare d’arrivée et de départ des passagers sur deux niveaux pour une superficie de 42.000 m2, l’Aibd va démarrer avec 3 millions de passagers pour sa phase initiale avec une possibilité d’extension jusqu’à 10 millions. Avec une aire de stationnement permettant d’accueillir simultanément 80 avions, le futur aéroport dispose également d’un réseau de voies de circulation moderne, permettant d’enregistrer 80.000 mouvements d’avions par an. De même, toutes les dispositions nécessaires ont été prises pour doter cet aéroport de tous les équipements susceptibles de le hisser aux standard internationaux et qui contribueront à faire du Sénégal un véritable hub aérien sous-régional.
Gestion de l’aéroport : Daport invitée à se retirer à l’amiable
Précédemment, c’est l’opérateur Daport S.A. filiale sénégalaise de l’opérateur aéroportuaire allemand Fraport, qui était censé, en vertu d’une concession de 22 ans, gérer le nouveau hub dont les premiers travaux avaient démarré en décembre 2007. Le directeur général de l’Aibd, Abdoulaye Mbodj, précise que cette convention de concession prévoyait 3,2% des frais d’assistance technique à payer à la société mère de Daport à savoir Fraport, 17% les sept premières années et 20% de redevances de concession. « Ce contrat, ajoute-t-il, avait aussi prévu la mise en place d’une société où le Sénégal n’avait aucune action ». Dans un contexte où la redevance par passager était passée en mai 2015 de 16.000 à 8.000 F Cfa et celle de la sûreté de 4.000 à 2.000 F Cfa, Daport, dit-il, a estimé que ce contrat n’était plus rentable et a décidé de se retirer en exigeant le remboursement des frais qu’il a dépensés depuis 2007.
Ces frais sont estimés à 6,7 millions d’euros, soit 4,355 milliards de F Cfa. Pour M. Mbodj, la position du Sénégal est claire : Daport peut se retirer à l’amiable sans aucune indemnisation. « Nous lui avons signifié cette résiliation depuis plus d’un mois », révèle-t-il.
La libération des emprises, un vieux souvenir
Le directeur général de l’Aéroport international Blaise Diagne (Aibd) de Diass, Abdoulaye Mbodj, a indiqué que le plus gros du travail concernant la libération des emprises est déjà fait. Il souligne qu’un protocole d’accord a été trouvé en mai 2015, grâce à l’intermédiation des députés de l’Assemblée nationale et du Forum civil concernant la partie nord de l’aéroport qui était jusqu’à cette date occupée. Par la suite, le gouvernement avait demandé la sécurisation des 4.500 ha de l’aéroport par un mur de clôture. « Les marchés sont signés », précise-t-il. « Au moment de la construction des murs de clôture, nous avons été confrontés à un problème de champs du côté de Diass. Des gens soutiennent qu’ils ont été touchés et omis », révèle-t-il.
Le directeur général de l’Aibd affirme qu’une solution est en passe d’être trouvée avec l’aide des autorités. La zone qui correspondait au village de Mbadatte n’était pas touchée. Ce village, selon M. Mbodj, a été déplacé en fin 2014. Les travaux n’étaient donc pas effectués. Le groupe Summa-Limak a repris le chantier à ce niveau. Pour Abdoulaye Mbodj, les populations de la zone sont conscientes de l’importance et de l’enjeu de l’aéroport. Leur seule préoccupation, précise-t-il, c’était d’être indemnisée de façon équitable.
Samba Oumar FALL et Souleymane Diam SY (textes)
et Pape SEYDI (photos)
Source: http://lesoleil.sn