Savoir Raison Garder – par Me Ibrahima NDIEGUENE

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Au moment où le foisonnement des positions dans le changement de  à la présidence  de l’OFNAC donne le tournis à tout le monde, y compris les spécialistes, il n’est pas sans intérêt de s’interroger sur la controverse entre les partisans de la thèse du Professeur J. Mariel Nzouankeu et ceux de la thèse de Mamadou Aliou Diallo.

Cependant, sans remuer le couteau dans la plaie, je me permets de proposer ma solution à ceux-là qui ne sont ni spécialistes du droit administratif, ni spécialistes de la politique, mais sont imbus de bon sens.

L’objet de cette réflexion est donc de retracer les relations pouvant exister entre l’acte de nomination et l’acte de prestation de serment de la présidente de L’OFNAC ainsi que les effets de chacune de ces deux décisions.

I – LA THESE DE LA NOMINATION

Le Docteur Mamadou Aliou Diallo, s’appuyant sur l’article 5 de la loi n°2012-30 du 28 Décembre 2012 portant création de l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC), défend la thèse selon laquelle, le mandat de la Présidente de l’OFNAC commence  dès la date de la publication du décret de nomination.

Il s’agit là d’une position juridiquement acceptable si l’on s’en réfère d’une part à l’article 1er de la loi 2012-30 selon lequel 

« Il est créé une Autorité administrative indépendante devenue Office Nationale de lutte contre la Fraude et  la Corruption dite OFNAC »,

 et  d’autre part, à la loi 70-14 du 06 février 1970 fixant les règles d’applicabilité des lois, des actes administratifs à caractère réglementaire et des actes administratifs à caractère individuels qui, en son article 5 dispose :

« Sauf exception prévue par la loi, et sous réserve des dispositions contraires, les actes administratifs à caractère individuels ; quelle qu’en soit la forme et l’origine, deviennent exécutoires dès leur notification »

On peut également invoquer, la jurisprudence du Conseil d’Etat français, qui, depuis une décision de section du 10 janvier 1958, Deville et Autres, posait le principe qu’une autorité est investie de ses fonctions dès la date de la signature de l’acte qui lui confère ces fonctions ;

Le Conseil Constitutionnel français s’est placé dans la même logique lorsqu’il a jugé que les décrets nommant les membres du gouvernement prennent effet immédiatement, dès leur signature (Hauchemaille-6 septembre 2000).

II – LA THESE DE LA PRESTATION DE SERMENT

Les partisans de cette thèse, tout en reconnaissant le pouvoir constitutionnel de nomination du Président de la République, soutiennent que le point de départ du mandat de la Présidente de l’OFNAC, c’est la date de prestation de serment et non celle de la nomination.

Ils s’appuient eux aussi, sur les dispositions de  l’article 10 de la même loi sur l’OFNAC qui dispose :

« Avant leur entrée en fonction, ils prêtent serment devant la Cour d’Appel de Dakar, siégeant en audience solennelle, le serment dont la teneur suit : je jure solennellement de bien et fidèlement remplir la fonction de membre de l’OFNAC, en toute indépendance et impartialité, de façon digne et loyale, et de garder le secret des délibérations. »

Ainsi, pour le Professeur Nzouankeu, le mandat court à compter de la date de prestation de serment, parce qu’avant cette date, la Présidente n’était pas encore entrée en fonction.

Cette thèse, à mon humble avis ne pourrait prospérer et être considérée comme une exception à la règle générale que si le choix de la date de sa prestation ou la fixation du jour de la cérémonie n’était pas une prérogative de la Présidente de l’OFNAC et dépendaient des contraintes d’une autre autorité et de son agenda.

Aux termes de l’article 3 de la loi précitée, les membres de  l’OFNAC ne reçoivent d’instruction d’aucune autorité.

Il me parait également nécessaire de faire la distinction entre la nomination qui est l’acte par lequel une autorité désigne quelqu’un à une fonction ou l’élève à une dignité et la prestation de serment qui est un engagement solennel devant l’autorité qualifiée par la loi, à remplir sa mission selon les règles y afférentes.

Vu sous cet angle, la prestation de serment est une garantie pour le citoyen, que les membres de l’OFNAC exercent  leur mission en toute indépendance, mais surtout en toute  impartialité.

L’impact de la prestation de serment s’apprécie par rapport à la validité de l’acte posé par un membre de l’OFNAC avant sa prestation de serment et non par rapport à la durée de son mandat.

Enfin, si la thèse de la prestation de serment peut prospérer, quid des avantages reçus ou obtenus avant celle-ci ?

Le Code des Obligations Civiles et Commerciales (COCC) nous propose une réponse en son article 160 qui définit l’enrichissement sans cause ainsi qu’il suit :

« Celui qui, en l’absence d’un acte juridique valable, s’est enrichi au dépend d’autrui, est tenu de l’indemniser dans la mesure de son propre enrichissement jusqu’à concurrence de l’appauvrissement. »

A ce stade, chacun des acteurs doit pouvoir mesurer sa propre responsabilité et en toutes circonstances savoir raison garder.

Me   Ibrahima NDIEGUENE