L’arbitrage commercial dans les dix-sept (17) pays d’Afrique membres de l’Ohada

Actualités | Lu pour vous

Par Me El Hadji Mame GNING *

Lors de sa session tenue les 23 et 24 novembre 2017 à Conakry (Guinée), le Conseil des Ministres de l’OHADA a adopté trois textes majeurs qui enrichissent l’arsenal normatif de l’Organisation en matière de règlement alternatif des différends : l’Acte uniforme relatif à la médiation, le nouvel Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et le Règlement d’arbitrage révisé de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Les textes ainsi adoptés par le Conseil des Ministres seront publiés au Journal Officiel de l’OHADA dans les jours à venir et entreront en vigueur 90 jours à compter de cette publication. L’entrée en vigueur au premier trimestre de l’année 2018 du nouvel acte uniforme sur l’arbitrage devra abroger l’ancien acte uniforme de 1999.

L’arbitrage est une convention par laquelle deux ou plusieurs personnes décident de confier à un arbitre le soin de régler leurs différends présents ou futurs. Cette convention peut intervenir à deux moments distincts.

1- La clause compromissoire : antérieurement à la naissance du litige

Cette convention, avant la naissance de tout litige, peut figurer dans un contrat sous la forme d’une clause compromissoire.

2- Le compromis : postérieurement à la naissance du litige

Cette convention peut également intervenir en cours de litige entre les parties qui décident de recourir à l’arbitrage pour régler leurs différends et qui rédigent alors un compromis d’arbitrage.

Le recours à l’arbitrage peut apparaître à l’occasion de litiges très divers et en particulier en matière commerciale.

Au Sénégal, nous signalons l’intervention du Président du Tribunal de Grande instance, comme juge d’appui à la procédure d’arbitrage et de la Cour d’Appel comme juge de l’annulation de la sentence, habilités de plein droit par le décret No  2016-1192 du 03 Aout 2016 portant désignation de la juridiction nationale compétente en matière de coopération étatique dans le cadre de l’arbitrage, pris en application de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.

A- Quels sont les avantages de l’arbitrage ?

Par rapport à la procédure de droit commun, l’arbitrage présente différents avantages.

Le premier tient au choix des arbitres : ceux-ci peuvent être choisis en fonction des difficultés qu’ils auront à résoudre.

Le deuxième est relatif à la simplification de la procédure : en recourant à l’arbitrage, les parties dispensent les arbitres de suivre le formalisme de la procédure civile ou commerciale, et elles peuvent même les autoriser à juger en équité, sans se référer aux règles de fond du droit : c’est la clause d’amiable composition. (Article 15 Acte uniforme Ohada sur le droit de l’arbitrage).

Le troisième qui n’est pas le moindre est la discrétion (les délibérations du Tribunal arbitral sont sécrètes -Article 18 -Acte uniforme Ohada sur le droit de l’arbitrage).

Alors que les décisions des tribunaux sont toujours rendues en audience publique, la connaissance des sentences arbitrales est réservée aux seules parties. Pour les milieux d’affaire cette discrétion est d’importance, car elle évite de faire connaître les erreurs ou les insuffisances des entreprises.Notez que l’existence d’une clause compromissoire jugée valable entraîne l’incompétence de la juridiction d’Etat normalement compétente.

B- Quels sont les litiges qui peuvent être soumis à l’arbitrage

En matière commerciale presque tous les litiges peuvent être soumis à arbitrage. L’article 2 alinéa 1 de l’acte uniforme Ohada sur le doit de l’arbitrage dispose que toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition.

Pour ainsi dire on ne peut pas tout faire arbitrer. En effet, il existe des domaines énumérés par l’article 796 du code de procédure civile du Sénégal dans lesquels tout arbitrage est exclu. On peut citer sur ce chapitre les dons et legs d’aliments, logement et vêtements, les séparations d’entre mari et femme, les divorces, les questions d’état de la personne et de manière générale toutes les contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public arrêtées à l’article 57 du Code de Procédure civile, notamment les causes qui concernent l’ordre public, l’Etat, les communes, les Etablissements publics, les incidents sur la compétence, les causes intéressant les majeurs incapables etc…(CF Art 57 CPC Sénégal).

Nous signalons toutefois une innovation d’importance introduite par l’article 2 alinéa 2 de l’acte uniforme Ohada sur le droit de l’arbitrage qui reconnaît aux Etats, autres collectivités territoriales et Etablissements publics, la faculté d’être parties, à un arbitrage, sans pouvoir contester l’arbitrabilité du litige, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d’arbitrage.

C- La constitution d’un tribunal arbitral

Qui peut-être arbitre ?

N’importe quelle personne peut être arbitre, mais les parties choisissent généralement une personne qui par sa profession ou sa technicité, leur inspire confiance, comme un avocat présentant de nombreuses années de pratique du droit, un ancien magistrat ou un expert réputé.

Deux qualités essentielles sont par ailleurs requises : l’indépendance et l’impartialité de l’arbitre (Article 6-futur article 7 – Acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage).

Le nombre des arbitres

Le Tribunal arbitral doit être composé en nombre impair, soit d’un seul arbitre soit de trois arbitres. (Article 8-futur article 06 de l’acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage). Cette règle est impérative.

Les arbitres sont égaux même si l’un d’entre eux préside le tribunal et dirige les débats.
Les parties peuvent être représentées ou assistées par un conseil de leur choix.

La sentence arbitrale

Le Tribunal arbitral une fois constitué doit, avant toute chose, statuer sur sa propre compétence à arbitrer le litige qui lui est soumis ou encore sur l’arbitrabilité de celui-ci.

Lorsque le Tribunal arbitral s’est déclaré compétent, il procède à l’instruction de la cause. S’il estime que l’affaire est suffisamment instruite, le tribunal avertit les parties de la date de mise en délibéré. Au terme du délibéré, les arbitres prennent leur décision. La sentence ainsi rendue ne donne lieu à aucune publicité. Elle est seulement notifiée aux parties. La sentence emporte tous les effets d’un jugement. Elle possède dès qu’elle est rendue l’autorité de la chose jugée, et l’une des parties ne serait plus recevable à recommencer le procès devant une autre juridiction. Elle n’est pas susceptible d’appel ou d’opposition, ni de pourvoi en cassation (Article 25 al1 acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage).

Les recours contre la sentence arbitrale

Toutefois elle peut faire l’objet de recours en annulation devant la Cour d’Appel dans le ressort de laquelle se déroule la procédure d’arbitrage(Al2 art.25 acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage et Art.3 décret No  2016-1192 du 03 Aout 2016 portant désignation de la juridiction nationale compétente en matière de coopération étatique dans le cadre de l’arbitrage pris en application de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage),de tierce opposition ou de révision devant le Tribunal arbitral qui a rendu la sentence (alinéas 4 & 5 -Article 25 acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage).En revanche la décision rendue sur le recours en annulation est susceptible de pourvoi en cassation devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage-Cour de justice Ohada- à ABIDJAN (République de Côte d’Ivoire)-Al3 Art 25 acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage.

Le recours en annulation peut être introduit dés le prononcé de la sentence, et au plus tard, dans le mois suivant la signification de la sentence munie de l’exequatur (Art 27-acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage). Il est suspensif à l’exécution de la sentence jusqu’à décision sur le recours, sauf lorsque l’exécution provisoire aura été ordonnée par le Tribunal arbitral. La juridiction compétente pour connaître de l’annulation de la sentence (Cour d’Appel dans le ressort de laquelle s’est déroulée la procédure d’arbitrage) est saisie de l’instance en défense à exécution provisoire (Art 28 acte uniforme ohada sur le droit de l’arbitrage). La Cour d’Appel saisie de l’annulation de la sentence connait ipso jure de la validité de l’exéquatur, ce dans les limites de sa saisine. Le rejet du recours en annulation emporte de plein droit validité de la sentence arbitrale, ainsi que de la décision ayant accordé l’exequatur (Art 33-acte uniforme Ohada sur le droit de l’arbitrage).

Lorsque la sentence n’est affectée d’aucun vice, les parties ont la faculté de procéder d’un commun accord à son exécution amiable. Cependant, en l’absence d’accord entre les parties quant à son exécution, la partie poursuivante devra solliciter  du Président du tribunal de Grande Instance dans le ressort duquel la sentence a été rendue, une ordonnance d’exequatur conférant force exécutoire à la sentence, tel un jugement(Article 30 acte uniforme et article 4 du décret No  2016-1192 du 03 Aout 2016 portant désignation de la juridiction nationale compétente en matière de coopération étatique dans le cadre de l’arbitrage pris en application de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage).
L’ordonnance du Président du Tribunal de Grande Instance accordant l’exequatur à une sentence arbitrale n’est pas susceptible de recours. Par contre celle qui rejette une demande d’exequatur d’une telle sentence est susceptible de pourvoi en cassation devant la Cour commune de Justice et d’Arbitrage de l’Ohada dont le siège est à Abidjan en République de Côte -d’Ivoire (Art 32al1 Acte uniforme Ohada sur le droit de l’arbitrage).

Voici résumés les grands axes de la procédure arbitrale qui pourrait s’avérer d’une grande utilité dans la vie des affaires en Afrique, pour régler avec efficacité et sans mauvaise publicité des différends opposant des partenaires en affaires.

En conclusion

Comme dans plusieurs domaines du droit et en particulier en matière commerciale, il semble indispensable qu’un litige résultant d’un trouble puisse être réglé le plus rapidement possible à défaut d’avoir pu être évité en amont, en application du principe de précaution. Les techniques présentées ci-dessus, apparaissent comme une alternative aux voies juridictionnelles habituellement empruntées, qu’il s’agisse de la médiation ou de l’arbitrage, celles-ci peuvent permettre de répondre aux exigences de rapidité, de confidentialité et de sécurité pour le justiciable de l’espace Ohada.

 

  • * Me El Hadji Mame GNING est Avocat au Barreau du Sénégal
  • Cabinet EMG-Avocats-Sénégal
  • emg-avocats.com