Absence de dénaturation de l’autorisation de plaider accordée aux contribuables

Jurisprudence

Est recevable l’action du contribuable en annulation de l’acte de vente portée devant le juge judiciaire, dès lors que le tribunal administratif l’avait autorisé à intenter en justice à ses frais et risques l’action en nullité d’une vente que la commune refusait d’exercer.

Civ. 3e, 16 juin 2016, FS-P+B, n° 15-14.906

La Cour de cassation avait à trancher la question de savoir si la cour d’appel avait dénaturé une décision d’autorisation de plaider au nom de la commune accordée à des contribuables.

L’article L. 2132-5 du code général des collectivités territoriales (CGCT) reconnait en effet à « tout contribuable inscrit au rôle de la commune […] le droit d’exercer, tant en demande qu’en défense, à ses frais et risques, avec l’autorisation du tribunal administratif, les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d’exercer ».

Un groupe de contribuables avait sollicité cette autorisation afin d’engager une action en nullité de la vente par la commune de deux parcelles situées sur son territoire au profit de la société demanderesse en cassation en raison de leur appartenance au domaine public. Une fois l’autorisation accordée, ces contribuables avaient saisi le juge judiciaire du litige en invoquant d’autres moyens que l’inaliénabilité du domaine public pour fonder leur action, notamment celui tenant à la nullité de l’acte authentique du fait de l’absence de délibération du conseil municipal.

La société reprochait à la cour d’appel d’avoir dénaturé cette décision d’autorisation de plaider accordée en l’espèce par le tribunal administratif de Toulouse.

En effet, la formation d’appel avait rejeté leur exception d’irrecevabilité en jugeant que l’autorisation de plaider en cause ne contenait, dans son dispositif, aucune restriction relative aux motifs susceptibles d’être invoqués au soutien de la prétention des contribuables. Elle en avait donc déduit que l’autorisation avait été accordée en vue de demander la nullité de l’action litigieuse sans limitation quant aux moyens de fait et de droit fondant cette demande et que, par conséquent, le tribunal administratif n’avait pas entendu circonscrire son autorisation de plaider au nom de la commune à l’usage exclusif du moyen d’annulation relatif à la domanialité publique.

La société s’est pourvue en cassation en invoquant notamment le fait que l’autorisation de plaider serait circonscrite non seulement à l’action visée par celle-ci, mais également au moyen que le tribunal a retenu pour justifier sa décision et, ce, quelle que soit la partie de la décision d’autorisation où figurent ces éléments. La demanderesse soutenait sur ce point que le tribunal administratif avait accordé l’autorisation de plaider aux contribuables qu’au seul motif qu’une des parcelles de terrain ayant fait l’objet de cette vente faisait partie du domaine public. Il en résultait que les contribuables ne pouvaient pas invoquer un autre moyen au soutien de leur prétention devant le juge judiciaire, ce qu’ils avaient pourtant fait en soulevant l’absence de délibération du conseil municipal autorisant le maire à conclure la vente suite à son anéantissement par un jugement du tribunal administratif (intervenu postérieurement à la décision d’autorisation de plaider).

La troisième chambre civile a confirmé le raisonnement développé par la cour d’appel en considérant que celle-ci, en constatant que, par décision du 23 juin 2005, le tribunal administratif avait autorisé les contribuables à intenter en justice à leurs frais et risques l’action en nullité de la vente du 16 novembre 2000 que la commune refusait d’exercer, a pu en déduire, sans dénaturation, que leur action en annulation de l’acte de vente devant le juge judiciaire était recevable.

La haute juridiction considère ainsi que l’autorisation de plaider délivrée par le tribunal administratif vaut pour l’action de justice en tant quel telle, peu important les motifs invoqués par les contribuables au soutien de leur demande de plaider au nom de la commune et, a fortiori, retenus par le tribunal pour l’accorder.

Cette solution s’inscrit dans la suite logique des décisions rendues par le Conseil d’État en la matière. En effet, la compétence du tribunal administratif issue de l’article L. 2132-5 du CGCT est de nature administrative : il statue comme autorité administrative, non comme organe juridictionnel (CE 26 juin 1992, n° 134980, Pezet et San Marco, Lebon  ; AJDA 1992. 506  ; ibid. 477, chron. C. Maugüé et R. Schwartz ). Par conséquent, le tribunal n’est pas tenu de respecter les règles de la procédure juridictionnelle (CE 30 avr. 1997, n° 183379, Commune de Cahors c/ Mas, Lebon  ; D. 1997. 131 ), ni de motiver sa décision d’autorisation de plaider (CE 16 déc. 1994, n° 158034, Commune de Varetz, Lebon ), celle-ci n’étant que la concrétisation de la demande du contribuable (CE 23 mai 2001, n° 223055, Communauté urbaine de Lille, Lebon  ; D. 2001. 2708 , note C. Eoche-Duval ). L’autorisation de plaider n’est ainsi accordée qu’en fonction d’une affaire33 déterminée, ce qui oblige le contribuable à solliciter une nouvelle autorisation du tribunal administratif pour former appel dès lors que le jugement est intervenu ainsi que pour se pourvoir en cassation (CGCT, art. L. 2132-7).

par Marie-Charlotte Lesergentle 28 juin 2016 | Source : http://www.dalloz-actualite.fr/